17/09/2008
Virginité et burqa : des accommodements déraisonnables ?
Autour des rapports Stasi et Bouchard-Taylor et de l'arrêt du Conseil d'Etat du 27 juin 2008.
Par Cécile Laborde
Cécile Laborde est Professeur de théorie politique à l’Université de Londres.
Diplômée de l’IEP et titulaire d’un doctorat d’Oxford, ses travaux ont porté sur les théories françaises et anglophones de la citoyenneté, le syndicalisme, l’Etat, le pluralisme, la laïcité, la tolérance, le libéralisme et le républicanisme.
Elle est, notamment, l’auteur de Pluralist Thought and the State in Britain and France,1900-1925 (Macmillan 2000), Republicanism and Political Theory (Oxford Blackwell 2007) et Critical Republicanism. The Hijab Controversy in Political Philosophy (Oxford University Press, 2008), et de nombreux articles en français et en anglais.
En comparant le rapport Stasi sur la laïcité avec le récent rapport Bouchard-Taylor paru au Québec en 2008, Cécile Laborde met en évidence les incohérences de la position française et son particularisme « catho-laïque ».
Deux affaires [1] ont récemment contribué à renforcer et stabiliser le « consensus républicain » français forgé, après 15 ans de controverses sur l’affaire du foulard, autour de la loi de 2004 interdisant les signes religieux à l’école. Ce consensus met des limites strictes à la reconnaissance des particularismes religieux et culturels dans la république. Dans ce qui suit, je tiens à montrer que ce consensus s’est établi sur des bases erronées. Il n’approfondit pas mais au contraire travestit l’idéal républicain, comme le montre une analyse comparée de la doctrine des « accommodements raisonnables » dans le rapport Stasi (France, 2003) et le récent rapport Bouchard-Taylor (Québec, 2008).
Alors que la loi de 2004 ne concernait que l’école, espace public et sanctuaire républicain, ce sont désormais les pratiques domestiques de la religion, en l’occurrence de l’islam, qui sont mises en cause. Dans l’affaire dite de Lille, un juge a prononcé l’annulation d’un mariage au motif que la mariée avait menti sur sa virginité, considérée comme une de ses ‘qualités essentielles’ (TGI Lille, jugement du 1er avril 2008). Dans l’affaire de la burqa, une jeune femme s’est vue refuser la nationalité française au motif qu’elle avait « adopté une pratique radicale de sa religion, incompatible avec les valeurs essentielles de la communauté française, et notamment avec le principe d’égalité des sexes » (Conseil d’État, arrêt du 27 juin 2008, n° 286798). À une quasi-unanimité, partis politiques, intellectuels et journalistes ont condamné la première décision et salué la seconde. Ce consensus républicain s’est forgé autour de trois grands principes, qu’il importe de formuler rigoureusement afin d’en discuter la portée et les limites.
1/ même loi laïque pour tous. Ce principe dérive de l’idéal d’égalité républicaine et affirme que la loi républicaine s’applique à tous et doit primer sur les règles religieuses. Dans l’affaire de Lille, on s’est ainsi offusqué qu’un juge de la république applique des règles apparemment dérivées de la S’haria, et consacre la virginité de la femme comme un motif légitime d’annulation d’un mariage de droit commun. Dans l’affaire de la burqa, on s’est inquiété de la compatibilité de l’allégeance à une doctrine islamiste radicale – le salafisme – avec l’adhésion à la loi républicaine.
2/ non-soumission à la volonté d’autrui. Ce principe dérive de l’idéal républicain de liberté et d’autonomie et inspire la critique féministe de certaines pratiques musulmanes. Ainsi, dans l’affaire de la burqa, la jeune femme admettait porter le vêtement recouvrant son corps et son visage à la demande de son mari, et vivait dans une complète soumission à des principes religieux fondamentalistes. De même, l’affaire de Lille a été interprétée comme autorisant la répudiation par les hommes de femmes considérées comme impures, selon une conception archaïque et misogyne de la moralité sexuelle.
3/ devoir d’assimilation. Ce principe dérive de l’idéal républicain de fraternité et identifie les fondements moraux, culturels et politiques de la communauté des citoyens français. Dans l’affaire de la burqa, on a ainsi considéré que le port d’un vêtement « exotique », le refus du principe d’égalité des sexes, ainsi que la pratique radicale de la religion, contrevenaient aux valeurs essentielles de la société française. De même, dans l’affaire de Lille, la volonté d’appliquer un droit « étranger » semblait témoigner d’un refus d’intégration de la part des intéressés.
Ces trois principes – qui constituent l’armature conceptuelle de la notion républicaine de laïcité – ont sous-tendu et renouvelé la critique républicaine de l’approche dite anglo-saxonne du multiculturalisme et des « accommodements raisonnables » des pratiques culturelles et religieuses des minorités. Des tels accommodements, selon le consensus français républicain en vigueur, sont en fait déraisonnables s’ils permettent à chaque communauté d’appliquer son propre droit et de vivre selon ses propres valeurs, au mépris des principes de liberté, d’égalité et de fraternité qui fondent la république.
Il s’agit ici de montrer que s’il est vrai que la laïcité est incompatible avec un tel communautarisme multiculturel, elle tolère, et même requiert, certains accommodements raisonnables de pratiques religieuses minoritaires. Reprenons un à un les trois piliers de l’argumentation républicaine, pour montrer en quoi celle-ci radicalise dangereusement le républicanisme en une doctrine communautaire et conservatrice. Quoi que l’on pense des conclusions tirées dans les affaires de Lille et de la burqa (et on est en droit de penser que le consensus républicain a touché juste) on peut à juste titre s’inquiéter de la teneur de l’argumentation sur lequel elles reposent.
1/ « même loi laïque pour tous » : le risque de la confusion des sphères. La loi laïque est, certes, la même pour tous. Mais elle s’arrête à la frontière des consciences, de la vie privée. La décision de Lille prenait appui sur le fait que le mariage n’est pas (ou plus) une institution publique, mais un contrat privé fondé sur le consentement mutuel. Suivant le droit du contrat, un mariage peut être annulé si l’un des futurs conjoints a menti sur une de ses « qualités essentielles ». Ainsi on a pu admettre que le statut de divorcé, ou d’impuissant sexuel, peut être une cause légitime d’annulation d’un mariage, dans le cas où le futur époux l’aurait sciemment dissimulé à sa conjointe, en sachant que ce serait pour elle un motif de refus du mariage. Par analogie, le juge de Lille s’est borné à constater que la virginité de la femme était considérée par les deux parties comme essentielle à leur union, que la future épouse avait menti sur son statut, et que tous les deux réclamaient l’annulation du mariage pour vice du consentement. Loin d’une substitution d’une règle religieuse (jamais mentionnée) à la loi laïque, le jugement ne faisait que tirer les conclusions logiques de la contractualisation du mariage en droit français (Terré 2008). Le vrai débat – complètement escamoté dans le débat français – aurait du se focaliser sur la question de savoir qui est en droit de juger des « qualités essentielles » de futurs conjoints (Malaurie 2008). Faut-il – suivant la logique de contractualisation – laisser les seuls conjoints fixer les paramètres de leur union, ou faut-il tenir compte des mœurs en vigueur dans la société française dans son ensemble ? Paradoxalement, une vision plus laïque, plus attachée à la séparation entre morale privée et morale publique mènerait plus facilement à l’acceptation, dans la sphère privée, de visions morales en porte-à-faux avec la société d’ensemble (telle la croyance en la virginité). En somme, l’affaire de Lille n’a strictement rien à voir avec une quelconque reconnaissance de l’autorité d’une loi religieuse en droit français ; elle se contente de tirer les conséquences de la contractualisation des rapports sociaux qui est l’aboutissement du long processus de laïcisation de l’institution du mariage.
2/ « non-soumission à l’autorité d’autrui » : le risque du paternalisme. Si l’idée de non-soumission (ou de non-domination) est au cœur du républicanisme progressiste, il n’est pas sûr que l’interprétation qui en est faite par le consensus républicain soit cohérente. Elle se heurte en effet à ce qu’on peut appeler le dilemme paternaliste, qui s’interroge sur les conditions selon lesquelles on peut forcer les individus à être libres. Dans les deux affaires, de Lille et de la burqa, on a prétendu libérer des femmes musulmanes du joug de leur mari religieux, sans se poser la question de leur consentement. Ainsi on a voulu protéger la jeune mariée d’une répudiation unilatérale par un mari traditionaliste, ignorant largement le fait qu’elle demandait elle-même l’annulation du mariage. De même, on a refusé à la femme portant la burqa la nationalité française, au motif qu’elle était trop soumise à son mari et à une doctrine religieuse inégalitaire. En « choisissant » de se « soumettre » (sic), elle ne démontrait pas un attachement suffisant aux valeurs de la république (Devers 2008). Paradoxalement, dans les deux cas, les femmes se trouvaient punies (en étant forcée à rester dans un mariage non voulu, ou en étant privée de la nationalité) au motif qu’elles étaient victimes – paradoxe inhérent au paternalisme républicain, qui prétend émanciper les femmes minoritaires par la coercition, au lieu de s’interroger sur les conditions politiques, sociales et culturelles nécessaires à la non-domination.
3/ « devoir d’assimilation » : le risque du conformisme culturel. Admettons, avec les républicains, qu’un certain niveau d’assimilation au pays d’accueil soit une condition à l’obtention de la nationalité française (résidence, attaches familiales, maîtrise de la langue). Admettons, de surcroît, que les postulants doivent démontrer un attachement minimal aux valeurs de la société française – ainsi les membres déclarés de mouvements violents et extrémistes pourraient légitimement se voir opposer un refus. L’ambiguïté de la décision sur la burqa est qu’elle suggère qu’une pratique religieuse radicale prouve en tant que telle une « assimilation insuffisante ». Le risque, ici, qui rejoint celui de la confusion des sphères relevé plus haut, est que les comportements jugés « non conformes aux lois de la république » soient en fait des comportements « étrangers et étranges », culturellement ou religieusement, même s’ils n’enfreignent aucune loi. Il y a ainsi un risque de confusion entre la moralité publique (les « valeurs de la république ») et les préjugés culturels de la société française.
Ainsi, quels que soient les jugements que l’on porte sur les conclusions de deux affaires (et l’on peut à juste titre considérer que la « qualité essentielle » d’un conjoint dans un mariage civil ne devrait pas être décidée par les conjoints eux-mêmes, et que l’adhésion à une doctrine salafiste ou fondamentaliste est en elle-même incompatible avec l’adhésion à la république) il est clair que le consensus républicain a reposé sur un certain nombre d’arguments ambigus et parfois erronés. Ils relèvent d’une dangereuse culturalisation des valeurs républicaines – par laquelle les idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité sont réalisés, non dans le respect du droit de la république, mais dans l’allégeance à une culture spécifique, la culture française « catho-laïque », qui prescrit les comportements publics et privés. Les ambiguïtés du consensus républicain (conformisme culturel, confusion des sphères, paternalisme coercitif) se retrouvent aussi dans le rapport Stasi sur la laïcité, qui en Décembre 2003 a recommandé – entre autres – l’adoption d’une loi sur le port de signes religieux dans les écoles publiques. S’il est vrai que le rapport prétend s’interroger de manière objective sur la compatibilité de l’expression religieuse avec la neutralité laïque des services publics, il s’appuie sur des jugements culturalistes et stéréotypés du sens des signes religieux musulmans. Ainsi le foulard ou hijab est décrit comme un symbole « agressif », de « séparation », de « communautarisme » ou de « prosélytisme ». Ces jugements sont portés sans référence aucune, ni à la volumineuse littérature sérieuse sur l’Islam de la seconde (et troisième) génération issue de l’immigration en Europe, ni à l’avis des intéressées elles-mêmes (la Commission se déclarant « peu sensible » aux arguments de femmes présumées irrationnelles, soumises et opprimées). L’unique fondement du jugement de la Commission Stasi sur le sens du foulard, de sa propre admission, a été le témoignage de chefs d’établissements, enseignants, personnels de santé et autres agents publics se sentant « agressés » et « menacés » dans l’exercice de leurs fonctions par des demandes d’accommodements religieux. Que les services publics, et l’éducation en particulier, soient en grave crise, cela fait peu de doute. Mais que les sentiments des personnels touchés par ces crises, dont ils voient un symbole dans le foulard islamique, deviennent l’unique justification d’une loi coercitive, voila qui soulève le sceptre de la « tyrannie de la majorité » (culturelle). Comme J. S. Mill le soulignait avec force, le simple « dislike » (dégoût) pour une pratique minoritaire ne devrait jamais suffire pour justifier qu’on ne la tolère pas. Encore faut-il qu’elle porte gravement tort, enfreigne un droit, ou porte atteinte à une valeur essentielle.
Une justification plus plausible mise en avant dans le rapport Stasi concerne l’incompatibilité intrinsèque entre l’expression religieuse en tant que telle et la neutralité de l’État laïque. Mais là encore, la sévérité avec laquelle est jugée l’expression religieuse musulmane (demandes « préoccupantes », service publics « niés dans leur principe et entravés dans leur fonctionnement ») contraste avec la bienveillante mansuétude réservée aux entorses traditionnelles à la laïcité (financements des écoles privées, aménagement du temps de travail pour respect des fêtes religieuses, statut exorbitant de l’Alsace-Lorraine) : la laïcité est dans ces cas présentée comme un principe « appliqué avec empirisme ». Ainsi le rapport Stasi se réjouit que l’État laïque ait su faire des « accommodements raisonnables » [2] en faveur des chrétiens et des juifs, mais s’agissant des musulmans, il insiste pour que ce soient eux qui fassent « ce que les Québécois appellent des « accommodements raisonnables » en mettant des bornes à l’expression de [leur] identité publique ». Il y a donc deux poids, deux mesures, ce qui est pour le moins gênant dans un rapport qui vante la neutralité de l’État laïque comme garantie d’égalité entre les religions. Ce que suggère en fait le rapport Stasi, c’est que le statu quo français est éminemment « raisonnable », de sorte que les musulmans « raisonnables » doivent l’accepter comme tel.
L’argument souffre de ce qu’on peut appeler la « neutralité de statu quo », qui fait l’économie d’une analyse critique des relations existantes entre État et religions, assimile le réel à l’idéal (ou du moins au raisonnable) et fige les valeurs universelles de neutralité, liberté, égalité et fraternité dans leur incarnation – particulière et partielle – dans les compromis historiques de la société française. Le consensus républicain français est, en d’autres termes, insuffisamment critique (Laborde 2008). Un républicanisme plus critique prendrait soin de ne pas assimiler les pratiques culturelles françaises à la neutralité idéale, et par la même accepterait l’idée que c’est précisément parce que la sphère publique n’est pas culturellement et religieusement neutre que certains « accommodements raisonnables » en faveur des minorités peuvent être des demandes de justice. Ces accommodements, dans la mesure (et seulement dans la mesure) où ils rétablissent l’égalité, ne rompent pas avec la logique républicaine mais au contraire l’approfondissent. Ceci est possible à condition qu’on admette que la doctrine républicaine se doit de prôner l’intégration par le droit commun et les institutions publiques, non par l’assimilation et le conformisme culturels.
Un raisonnement similaire à ce « républicanisme critique » peut être discerné dans le récent rapport rédigé pour le gouvernement québécois par l’historien Gérard Bouchard et le philosophe Charles Taylor (Bouchard-Taylor 2008). Ce rapport, riche et rigoureux, esquisse les principes permettant aux Québécois de régler la « crise des accommodements », qui a vu la société québécoise se braquer sur des demandes d’accommodements religieux dans les institutions publiques – des exemptions les jours de Sabbat aux demandes de médecins féminins dans les hôpitaux, en passant par le port de signes religieux par les agents publics, pour n’en citer que quelques exemples. D’emblée, le rapport Bouchard-Taylor, contrairement au rapport Stasi, signale que la crise des accommodements ne reflète pas simplement l’attitude « déraisonnable » des minorités face à l’État laïque, mais est aussi un signe de « protestation d’un groupe ethnoculturel majoritaire [les Canadiens francophones] qui doute de sa propre identité » et a du mal à accepter le pluralisme des modes de vie. Certes, selon les auteurs, ce pluralisme ne devrait pas conduire, dans le contexte québécois, à l’acceptation d’un multiculturalisme « à la canadienne ». Au Québec, le respect de la diversité doit être subordonné à la promotion d’une culture publique francophone et d’institutions communes comme lieux de participation. Et le rapport de reprendre à son compte les principes cardinaux, et aisément reconnaissables, de l’intégration républicaine : neutralité laïque de l’État, égalité des droits, intégration des immigrés, promotion du français comme langue commune, participation de tous dans les institutions publiques. Ces principes posent des limites claires à toute demande d’accommodement : aucun ajustement n’est légitime, par exemple, qui remettrait en cause des principes constitutionnels essentiels tels que l’égalité entre hommes et femmes. Il serait donc erroné de présenter le rapport Bouchard-Taylor comme un document typique du « multiculturalisme anglo-saxon » (si encore les contours de ce dernier étaient clairs). Bien plus intéressante est l’analyse qui montre en quoi le rapport québécois défend les accommodements raisonnables à partir de principes républicains.
Les accommodements sont nécessaires parce que toutes les lois et normes en vigueur dans la société québécoise ne relèvent pas de principes « neutres et universels » (comme l’est l’égalité hommes-femmes) mais au contraire « reproduisent les valeurs et normes implicites de la culture majoritaire ». Par exemple, le calendrier des jours chômés et fériés, bien qu’officiellement laïque, facilite la pratique de la religion chrétienne. Dans ce contexte, l’autorisation accordée aux croyants de religions minoritaires de prendre des congés pour motif religieux ne relève pas d’un privilège exorbitant, mais bien d’un rétablissement de l’égalité. On parle d’accommodements quand la neutralité culturelle est impossible, et que des ajustements mutuels sont nécessaires pour la rectification des injustices les plus flagrantes. En revanche, dans les cas où la neutralité culturelle et religieuse est possible et désirable, les auteurs du rapport ne craignent pas de mettre les institutions publiques à l’index pour manquement à la laïcité. Par exemple, ils demandent que les crucifix soient retirés de l’Assemblée nationale, et les prières abolies dans les conseils municipaux. Ceci est à comparer avec la tolérance du rapport Stasi vis-à-vis du maintien du Concordat en Alsace-Moselle, qu’il justifie au nom du « principe » selon lequel « les populations y sont attachées »…
Bouchard et Taylor s’interrogent aussi sur le devoir de réserve religieuse des agents publics. Ils recommandent que soit interdit le port de signes et symboles exclusivement aux fonctions représentatives et/ou coercitives (ministres, juges, policiers). Usagers des services publics et élèves de l’enseignement public peuvent porter des symboles religieux, sauf dans les cas où ils sont incompatibles avec les activités pratiquées : le rapport se refuse à toute interprétation du sens du port du foulard sinon comme symbole de foi. Et, suivant le principe républicain selon lequel les institutions publiques se doivent d’être laïques afin de pouvoir inclure tous les citoyens quelle que soit leur origine ou croyance, Bouchard et Taylor rejettent les conclusions restrictives de la Commission Stasi. À leur sens, le devoir de laïcité s’applique aux actes de l’État plutôt qu’à l’apparence des employés et usagers. Quant aux demandes d’exemptions et d’accommodements dans les domaines de la santé et du monde professionnel, leur position est moins nette et plus nuancée, en partie parce qu’ils laissent (avec raison) aux pratique de concertation et de délibération le soin de décider quels accommodements sont raisonnables ou non dans des contextes particuliers. On peut cependant regretter que le rapport ne donne pas plus d’indications sur les implications concrètes du principe constitutionnel d’égalité entre hommes et femmes – principe à la fois fondamental et vague, mais qui est souvent directement interrogé par les demandes d’accommodements des pratiques religieuses orthodoxes.
Quoi qu’il en soit, ce bref résumé des conclusions du rapport Bouchard-Taylor devrait suffire pour souligner son affinité avec l’approche du républicanisme critique. Contrairement au rapport Stasi, il ne postule pas que les institutions existantes appliquent déjà parfaitement (ou raisonnablement) les idéaux de la laïcité, de la neutralité et de l’égalité, et que les citoyens issus des minorités n’ont dès lors qu’à s’y conformer. Bien au contraire, le rapport québécois insiste sur le fait que les « accommodements raisonnables » nécessaires pour le vivre-ensemble sont des accommodements mutuels : ils sont requis de la part des minorités et de la majorité. Le rapport Stasi, quant à lui, souffre de la tendance, caractéristique du consensus républicain français, à assimiler valeurs libérales démocratiques universelles et normes ethnoculturelles françaises, et à juger les pratiques des minorités selon des critères qui ne distinguent pas suffisamment entre les deux registres. Au lieu d’un républicanisme critique, il promeut ainsi un républicanisme conservateur, qui tend à juger la société majoritaire par ses idéaux (proclamés), et les minorités par leurs pratiques (interprétées). C’est ce républicanisme plutôt conservateur qui a fourni l’armature conceptuelle des deux affaires récentes concernant la virginité de la mariée et le port de la burqa. Dans les deux cas, il s’est appuyé sur un rejet culturaliste de pratiques considérées comme « non-françaises » – la croyance en la virginité des futures épouses et le port d’un vêtement restrictif par les femmes.
On peut légitimement faire siennes les conclusions du consensus républicain, mais à condition de poser les bonnes questions. Ainsi, dans l’affaire de Lille, la vraie question n’était pas de savoir si le juge républicain était en droit d’appliquer une loi religieuse au mépris de la laïcité : il ne l’est pas. Il s’agissait en revanche de décider qui doit être juge des « qualités essentielles » de futurs conjoints, et de s’interroger sur les limites de la contractualisation du mariage. Dans l’affaire de la burqa, ont été mentionnés pêle-mêle, pour justifier le refus de la nationalité française, le port d’un vêtement restrictif, le fait d’être soumise à son mari, et une conception radicale de la religion. Pris séparément, ces trois traits ne sauraient en tant que tels justifier le refus de la nationalité. Pris ensemble, ils esquissent certes la figure de l’ « islam radical » qui sert de frontière imaginaire à la nationalité française. Encore faudrait-il définir précisément quels éléments de cette figure sont en fait incompatibles avec la citoyenneté française, et distinguer, dans les déclarations d’incompatibilité, ce qui relève de la culture « franco-française » au sens large et ce qui relève des valeurs politiques nécessaires au vivre-ensemble (bizarrement, le fait que la femme en question ne savait rien de la laïcité ou du droit de vote a été peu mis en avant dans les commentaires sur l’affaire). Pour s’assurer que des principes de droit, et non des normes ethnoculturelles, informent nos jugements sur les pratiques minoritaires, il serait bon d’appliquer plus fréquemment ce qu’on pourrait appeler le « test de la catholique fondamentaliste ». On ne devrait pouvoir refuser la nationalité à une femme portant la burqa que si l’on est sûr de la refuser, sur les mêmes bases, à une religieuse catholique fondamentaliste italienne. Et on ne devrait pouvoir s’opposer à l’annulation d’un mariage pour cause de non-virginité de l’épouse par des conjoints musulmans que si l’on est prêt à la même fermeté si la demande émane d’un couple chrétien traditionaliste. En d’autres termes, les deux affaires, si elles illustrent les limites raisonnables de l’accommodement de pratiques minoritaires, devraient aussi mettre en relief le particularisme « catho-laïque » du républicanisme réellement existant en France. La lecture du rapport Bouchard-Taylor, moins idéologique et plus rigoureux, est à cet égard instructive.
par Cécile Laborde [16-09-2008]
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16/09/2008
La découverte de l'irrationnel
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15/09/2008
Lettre ouverte au Rabbin Gilles Bernheim
J’ai lu avec beaucoup d’attention l’ouvrage que vous avez écrit avec le cardinal Philippe Barbarin, Le rabbin et le cardinal1. Vos positions sur plusieurs sujets m’ont interpellé et posent problème, c’est pourquoi je souhaite développer un certain nombre de remarques sur ce livre. Cette démarche critique rejoignant finalement la vôtre2, d’autant que vous déclarez vous-même appartenir à l’école des pharisiens3.
Les réflexions qui vous amènent aujourd’hui à favoriser un rapprochement avec le monde chrétien, ainsi que votre revendication d’une participation de l’Eglise et de la Synagogue à un combat commun afin d’agir pour le respect et l’efficacité des lois de civilisation, sont-elles conformes à l’interprétation de nos Sages ?
Même si votre inquiétude au sujet d’une déjudaïsation de bien des juifs ne peut que rencontrer mon approbation, ce rapprochement intime est-il utile et prudent ?
Je vous propose d’examiner des questions essentielles, sur lesquelles on ne peut laisser planer une quelconque ambiguïté:
1) Le bien fondé d’une ré-judaïsation par un enseignement chrétien.
2) La réintégration de Jésus comme compagnon du judaïsme, abstraction faite de la christologie.
3) La définition juive de l’idée hérétique.
4) Le Messie et le messianisme.
5) La Résurrection, l’Eucharistie, le christianisme comme religion révélée.
6) La position actuelle de l’Eglise sur les lectures bibliques, et l’utilité du dialogue.
7) Les chrétiens font-ils partie du peuple élu ?
8) Les ‘Houkims et l’intention pour les mitsvoth.
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(La suite de la lettre est dans le livre.)
19:38 Publié dans Thé au logis | Lien permanent | Commentaires (0)
14/09/2008
Individualisme
L’existence individuelle est une donnée fondamentale de nos sociétés: la reconnaissance de la valeur des individus, indépendamment de conditions d’appartenance à une communauté sociale ou religieuse, la reconnaissance de l’humanité de l’homme dans l’individu humain, reconnu comme une personne vivant une vie digne d’être vécue. Mais est un phénomène récent et isolé.
Cet individualisme, qui fait le fond de nos sociétés, est une véritable limite à l’exercice du pouvoir. On reconnaît à l’individu des droits subjectifs (valables contre l’Etat), une vie intérieure, une vie privée, le droit d’échapper au contrôle du pouvoir ou à ses instructions dans la majeure partie de son existence. Cette reconnaissance s’accompagne, du reste, d’une violation constante de ces droits. Il n’en reste pas moins que le droit des individus est ressenti chez nous comme une valeur.
Cet individualisme est dans une relation essentielle avec l’idée d’égalité juridique entre les individus. Par égalité juridique, j’entends égalité des droits à la naissance. La provenance, la généalogie des individus n’a en principe pas d’importance. L’individualisme implique l’égalité des conditions.
Enfin, cet égalité des conditions n’est compatible qu’avec une seule forme de gouvernement, c’est le gouvernement démocratique. L’individualisme et l’égalité des conditions impliquent en effet d’admettre le principe d’identité entre les gouvernants et les gouvernés.
Naturellement, cette belle construction est très théorique, constamment violée, remise en question. Elle n’en reste pas moins la trame idéologique, le discours qui justifie l’exercice du pouvoir. Elle est l’instance qui légitime l’exercice du pouvoir. Qu’un pouvoir, aujourd’hui, se réclame d’autres principes, et il est immédiatement qualifié d’illégitime, de tyrannique ou de pouvoir intolérant. On en trouve de nombreux exemples dans les conflits qui opposent, d’une part, les différents mouvements religieux : ceux que l’on qualifie aujourd’hui de " fondamentalistes " ne le sont que parce qu’ils refusent la validité des principes de l’individualisme démocratique au nom de la vérité révélée. Ceux qui, au contraire, composent avec le monde contemporain, sont soit inconséquents, soit hypocrites.
Les fondamentalistes ont raison d’être conséquents avec les principes de la révélation, mais pour cela aussi, ils engagent une lutte à mort avec la démocratie. Il n’est pas vrai de dire que la démocratie et la religion sont entre elles compatibles, parce que si la démocratie est compatible avec la distinction de la vie privée et de la vie publique, les religions révélées ne le sont pas.
Cette naissance de l’individualisme s’accompagne d’une progressive sortie de religion de nos sociétés politiques. La religion a longtemps été le fondement constitutionnel des sociétés politiques qui ne faisaient que reprendre en bas ce qui avait été décidé en haut. Nous allons voir que la religion est le véritable fondement de la Cité grecque. Mais aujourd’hui, c’est bien plutôt la constitution démocratique qui sépare le politique de la religion (le premier principe de la séparation des pouvoirs est le principe de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, du spirituel et du temporel). Or le processus de transition de l’un à l’autre système ne s’est pas fait contre le christianisme mais par lui. C’est la religion chrétienne en général et la réforme protestante en particulier, qui a initié la naissance de l’individualisme et amorcé ainsi le processus de sortie de religion. Hegel note, dans ses Principes de la philosophie du droit, § 124, remarque : " Le droit de la subjectivité à se trouver satisfaite ou, ce qui est la même chose, le droit de la liberté subjective, constitue le point critique et central dans la différence entre l’Antiquité et les temps modernes. Ce droit dans son infinité est exprimé dans le Christianisme et y devient le principe universel réel d’une nouvelle forme du monde ".
07:13 Publié dans Droit naturel | Lien permanent | Commentaires (0)
13/09/2008
Dans l'antre de la Sibylle
Le dernier âge viendra, que la Sybille chantait :
Cycle nouveau-né des ans écoulés, cycle parfait.
La Justice reviendra sur la terre avec la Loi
Et le dieu Saturne. Du ciel sacré vois sans effroi
Une race nouvelle. Ô Lucine, ô très chaste esprit,
Hâte la naissance de l’Enfant avec qui finit
Notre âge de fer. L’âge d’or, primitif et si bon,
Du monde reviendra, car le doux règne d’Apollon
Recommencera pour nous, cet âge toujours glorieux
S’inaugure, ô Polion, avec toi, ô dieu gracieux ;
De ton consulat dateront les mois heureux, prospères ;
Sous tes auspices, l’Enfant effacera pour ses frères
Tous les crimes, affranchissant le monde de la peur ;
Avec les dieux et les héros, comme les dieux du coeur,
Il aura un commerce familier, et régnera
Sur le monde, et l’esprit de son Père gouvernera.
Pour toi, cher Enfant, la terre donnera sans culture
Ses dons précoces : la guirlande de lierre si pure,
L’acanthe riant, et toutes les fleurs qui croissent en reines ;
Des chèvres libres nous sucerons les mamelles pleines,
Les troupeaux ne craindront plus l’attaque du lion fier,
La terre te bercera, et délicieux sera l’air,
Les serpents venimeux mourront, et l’herbe dangereuse
Se fanera sur ton chemin, sous ta main si gracieuse.
Quand plus tard, avec l’âge, l’Enfant divin connaîtra
Les grandes gloires par lesquelles sa race brilla,
Quand il saura ce que l’honneur veut dire, alors les plaines
Resplendiront de la récolte des fruits et des graines,
Le vin brillant coulera de la grappe ensoleillée,
Le chêne donnera un miel plus doux que la rosée.
(Virgile, Enéide , VI, l'antre de la Sibylle)
10:59 Publié dans Apocalypse | Lien permanent | Commentaires (0)
11/09/2008
Ethnologie de la mouche et des Japonais
Ce n’est pas sur une lointaine peuplade inconnue que Sophie Houdart a décidé de porter son regard d’ethnologue, mais sur un laboratoire spécialisé dans l’étude des mouches drosophiles. Pas n’importe lequel d’ailleurs : celui d’un professeur japonais atypique. L’une des ambitions de Daisuke Yamamoto, accueilli à la fin des années 1970 au sein de l’Institut Mitsubishi pour créer sa propre structure, est en effet de « constituer une enclave internationale à l’intérieur du Japon ». Le projet du chercheur est confié à deux équipes, l’une installée au Japon et l’autre à Hawaii, chacune étant pluriculturelle. Mais est-il si différent d’être scientifique japonais ou scientifique occidental ? C’est à ce problème épineux que s’attaque S. Houdart tout au long de son étude particulièrement fouillée et excellemment écrite. La découverte d’une drosophile possiblement homosexuelle constitue l’un des fils directeurs autour duquel elle élabore sa réflexion sur les différentes conceptions de la nature, de la culture et de la ligne de partage entre les deux. Ainsi Yamamoto rencontre-t-il des blocages, aux États-Unis et en France, à l’idée de fondements génétiques de l’homosexualité, alors que selon lui, « nier qu’il existe un gène de l’homosexualité (…) par peur des réactions sociales est une faiblesse indigne d’un scientifique ». En outre, le chercheur japonais s’inscrit en faux contre l’« idéalisation trompeuse » consistant à prétendre user d’une parfaite objectivité pour accéder à la compréhension intime d’une nature qui serait immuable : pour lui, la pratique scientifique est avant tout une pratique sociale. « Si dichotomie est produite et maintenue, dans le laboratoire de Yamamoto, elle n’est pas entre nature et culture – mais entre l’ordre et le désordre, entre l’humanité et l’animalité », écrit l’auteure. Son livre ouvre un grand nombre de pistes intéressantes à méditer, même si pour toucher un large public, il eut peut-être gagné à être un peu plus synthétique.
Sophie Houdart, La cour des miracle. Ethnologie d'un laboratoire japonais, CNRS éditions
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05/09/2008
Justice et ramadan
Le Figaro du jour nous apprend qu'un procès relatif à une série de braquages commis à Rennes et à St-Malo en 2000 et 2001, est renvoyé au 19 janvier 2009, parce que le principal accusé respecte le ramadan.
Les avocats des parties civiles dénoncent une décision «aberrante».
L'ordonnance de renvoi ne mentionne pas explicitement le ramadan mais seulement "le souci d'une bonne administration de la justice" . Pourtant, selon plusieurs avocats rennais, ce renvoi est dû à l'observation par l'accusé du jeûne traditionnel musulman du ramadan.
Selon la demande de renvoi rédigée par les avocats du prévenu, «les contraintes diététiques et les obligations cultuelles qui s'imposent» à leur client musulman, qui aura «déjà vécu 14 jours de jeûne» au début de son procès - il doit se tenir le 16 septembre - l'empêcheraient de pouvoir se défendre correctement.
L'un des avocats, Me Yann Choucq, explique que «les contraintes du ramadan, d'un point de vue physiologique, mettent les gens en état de faiblesse physique». Mais, ajoute-t-il, «ce n'était pas le seul motif de renvoi». Le fait est que le juge leur a donné raison et a accepté le renvoi du procès.
A la fureur des avocats des parties civiles. Me Pierre Abegg, avocat de plusieurs d'entre elles, trouve ce renvoi «aberrant, c'est la première fois qu'on voit cela en France, nous ne sommes plus dans une République laïque». Même colère de Me Dominique Briand, pour qui cette décision «ouvre la porte à des choses qui ne sont pas souhaitables».
Le ramadan a commencé le 1er septembre, selon le Conseil français du culte musulman, qui définit cette date, basée sur le calendrier lunaire et souvent objet de controverses entre grandes mosquées. Il se terminera le 30 septembre.
De fait, on voit ici que la République accepte de tenir compte des obligations qui résulte, pour un croyant, de son respect pour la loi religieuse. Aurait-il été malade que le problème ne se serait pas posé. Mais dans la présente affaire ce qui peut troubler est en effet qu'une prescription juridique tirée d'un autre système normatif, en l'occurence le droit interne de l'Islam, puisse ainsi être opposé au droit français. On observera cependant que ce droit musulman est passé au crible du droit français et que ce n'est pas un juge musulman qui l'impose à la République, mais un juge républicain qui, dans le souci d'une bonne administration de la justice - cette mention est capitale - accepte de tenir compte d'une réalité qui justifie, à ses yeux, le renvoi du procès.
Où donc est alors le problème?
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02/09/2008
Cosmologie
L'interprétation romantique de l'éternel retour occulte le caractère systématique et nécessaire d'une conception subordonnée aux deux présupposés de la cosmologie ancienne: l'éternité du monde et sa finitude spatiale. Dans un tel cadre, celui d'Empédocle, par exemple, la somme des éléments du monde est en nombre fini, de même, la combinaison de ses éléments est en nombre fini. Déployé sur un temps infini et à l'épuisement des combinaisons possibles, le monde ne peut que recommencer à être ce qu'il était. Plus encore, il ne peut que recommencer un nombre infini de fois. Mieux encore, il a déjà recommencé un nombre infini de fois, de sorte que l'acte que j'accomplis à l'instant n'est que la répétition infinie du même acte dans l'éternité. Dans un tel monde le temps n'existe pas puisqu'à l'échelle de l'infini la répétition du même n'est qu'une simultanéité d'évènements éternels.
Les grandes gestes sémitiques puis chrétienne ont ici tout inversé: le temps compté se déploie au service d'une eschatologie, qui suppose une création et une fin du monde, tandis que l'espace infini laisse subsister une infinité d'éléments, de combinaisons d'éléments, sans menace d'épuisement. Le temps linéaire est né et avec lui un passé irrémédiablement perdu. Les Grecs ne connaissaient que le chaos, qui revient cycliquement défaire le cosmos, lequel se recompose à l'identique: rien n'est perdu parce que rien n'est crée. Sémites et chrétiens ont inventé, en même temps que cette chute vertigineuse dans le temps qui s'appelle passé, le néant et aussi la possibilité de la grâce.
04:39 Publié dans Cosmologie | Lien permanent | Commentaires (0)