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07/04/2007

1841 : la première loi sociale en France

Article paru dans Le Monde du 20.04.99

La loi de 1841 fut fragile et n'eut pas de descendance immédiate, même si 1848 fit quelque temps illusion. Il faudra attendre le Troisième République pour voir apparaître les premiers signes d'une vraie politique sociale.

Le 22 mars 1841, Louis-Philippe, roi des Français, promulguait une loi limitant et réglementant le travail des enfants. C'était la première intervention directe significative de l'Etat pour fixer les conditions et les règles du travail depuis la Révolution, qui avait établi la totale liberté du travail et interdit toute grève et association ouvrière.

Cette loi a plusieurs sources. D'abord la découverte de la misère ouvrière en ces temps du démarrage de la révolution industrielle. Il est significatif de voir l'Académie des sciences morales et politiques mettre au concours en 1840 la question suivante : " En quoi consiste la misère, par quels signes elle se manifeste en divers pays ; quelles sont ses causes ? " C'était déjà à la demande de l'Académie que le médecin Villermé avait conduit sa grande enquête sur l'état physique et moral des ouvriers des manufactures entre 1835 et 1839, publiée précisément en 1840. Les historiens ont discuté de la validité de ces enquêtes et ont généralement conclu favorablement.

C'était bien un tableau diversifié et effrayant qui apparaissait. Certes la doctrine libérale, autour de Charles Dunoyer et Frédéric Bastiat, domine alors largement les classes dirigeantes, mais le sentiment apparaît que la force de travail est menacée par ces conditions sociales dramatiques. Des industriels de Mulhouse dénoncent les dangers courus par la société du fait d'une " population chétive et sans principes ". Dénonçant le drame de la mortalité des enfants, l'espérance de vie réduite des ouvriers (28 à 30 ans), le baron de Morogues s'en prend au " joug de l'industrie " qui enlève les enfants à leur famille dès qu'ils sont en état de se tenir sur leurs jambes, ce qui les conduit à une dégradation physique et morale. Beaucoup d'industriels, enfin, en appellent à une loi, non par enthousiasme pour l'intervention de l'Etat, mais parce qu'ils souhaitent la fixation d'une règle uniforme qui permettrait de surmonter l'absence d'autodiscipline patronale. La bonne volonté de quelques-uns ne doit pas les rendre moins concurrentiels.

D'autres considérations vont jouer dans cette prise de conscience d'une exigence de la fixation de normes par l'Etat. Il ne faut pas négliger l'inquiétude de l'armée, qui voit arriver des conscrits si affaiblis qu'ils ne sont plus capables de tenir un fusil ; il ne faut pas négliger les premières mesures de scolarisation ; la loi de 1833 fixait une obligation de fréquentation d'une école jusqu'à 12 ans.

Mais compte aussi la montée du mécontentement ouvrier depuis les Trois Glorieuses. Une première vague d'agitation ouvrière avait eu lieu entre 1830 et 1834, agitation contre l'introduction des machines, protestation contre la misère, demande de mesures contre le chômage (réduction du temps de travail...), mais aussi exigence de démocratie politique. Ces ouvriers sont le fer de lance des insurrections populaires, mais ils tendent aussi à défendre leurs intérêts propres, comme dans le mouvement gréviste parisien de 1840 : trois mille garçons tailleurs lancent le mouvement en mars ; suivront les ouvriers en papiers peints, les cordonniers, les ébénistes, les menuisiers, les cloutiers, les charrons, les serruriers, les maçons et les fileurs de coton. La police parle de complot - au même moment Louis-Napoléon se lance dans la piteuse équipée de Boulogne-sur-Mer -, mais il s'agissait bien, comme le rappelle dans ses Mémoires le maçon Martin Nadaud, d'un " cri de désespoir parmi les ouvriers de Paris ".

Le principe même d'une loi resta pourtant longuement discutée. A la Chambre (élue au suffrage censitaire) en mars 1840, Gay-Lussac s'oppose à ce que l'on " viole à chaque instant le domicile d'un fabricant ", qu'on le " soumette à une surveillance continuelle, inquisitoriale " et estime qu' " une fois achetée la main-d'oeuvre, l'entrepreneur n'a qu'à en disposer loyalement, en bon père de famille, maître chez lui ". La loi aura donc une portée extrêmement limitée. D'abord, il fallut s'entendre sur l'âge d'admission au travail d'un enfant : ce fut 8 ans... Et voici les arguments qu'employa le ministre du commerce Cunin-Gridaine pour défendre un seuil aussi bas : " L'habitude de l'ordre, de la discipline et du travail doit s'acquérir de bonne heure. (...) L'enfant, entré à 8 ans dans l'atelier, façonné au travail, ayant acquis l'habitude de l'obéissance et possédant les premiers éléments de l'instruction primaire, arrivera à 10 ans plus capable de surmonter la fatigue. "

Ainsi fut interdit le travail aux seuls enfants de moins de 8 ans. Par ailleurs la loi réglementait le travail des enfants en fixant à 10 heures de travail la journée maximale des enfants de 8 à 12 ans et à 12 heures celle des enfants de 12 à 16 ans. Le travail des enfants était interdit le dimanche. Soucieuse enfin de ne pas établir un pouvoir inquisiteur de l'Etat sur les entrepreneurs, la Chambre confia le contrôle de la loi soit à des négociants ou manufacturiers retirés des affaires, soit à des notables, conseillers généraux, officiers retraités, médecins. Souvent ils n'exercèrent leur fonction d'inspection qu'avec réticence ou négligence.

Dans une commune industrielle du Tarn, l'inspecteur est un secrétaire de mairie, un vieillard qui n'opère aucune visite. C'est le sous-préfet qui doit finalement les effectuer en personne ! Ce n'est que très tardivement que certains départements feront appel à des inspecteurs du travail salariés. Dans ces conditions la loi ne fut que médiocrement appliquée. Dans certains cas les patrons cachaient les enfants employés, dans d'autres ils faisaient valoir que les enfants de 8 ans, ayant une fonction d'aide des adultes, devaient travailler aux mêmes horaires. Mais il arrivait aussi que des parents encouragent leurs enfants à travailler pour contribuer à subvenir aux besoins de la famille.

La loi de 1841 fut donc fragile et n'eut pas de descendance immédiate, même si 1848 fit quelque temps illusion. Il faudra attendre la Troisième République pour voir apparaître les premiers signes d'une vraie politique sociale. L'Etat-providence paraît bien loin...

PAR JEAN-LOUIS ROBERT

 

10:32 Publié dans Egalité | Lien permanent | Commentaires (1)

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Source: http://www.communautarisme.net/index.php

 

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