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14/01/2007

Heidegger et le nazisme

Entretien d’Emmanuel Faye avec Philippe Lacoue-Labarthe, Pascal Ory, Jean-Edouard André et Bruno Tackels

Entretien d’Emmanuel Faye avec Philippe Lacoue-Labarthe, Pascal Ory,
Jean-Édouard André, Bruno Tackels dans « Tout arrive », émission de Marc Voinchet, le 9 mai 2005 à France Culture :

heideggerazi.pdf

Source:

http://skildy.blog.lemonde.fr/skildy/2006/01/engt.html

Commentaires

Philippe Sollers et Michel Onfray comptaient parmi les invités de l’émission "la Bande à Bonneau" (France Inter) du 3 octobre 2006.
Ils s’y exprimaient sur Heidegger (et notamment sur le livre d’Emmanuel Faye : Heidegger, "Une introduction du nazisme dans la philosophie").

On lira leur "échange" ci-dessous. "Ce n’est qu’un début. Le combat continue."

P. Sollers : (qui se met à « raper » en apparaissant sur les ondes)
Heidegger



Heidegger c’est la guerre

Et moi

Je vais vous dire

Heidegger

C’est toujours la guerre.

Et moi

Je vais vous dire

Encore plus

Acheminement vers la parole...

(...) Vous voulez mon commentaire sur tout ça ?

A. Vivian : J’ai cru comprendre... Il y a deux camps dans cette histoire. D’un côté... on a l’impression : les historiens. E. Faye était défendu par J.P Vernant, par feu Pierre Vidal-Naquet, qui nous a quittés cet été, par le sociologue aussi, Jacques Bouveresse. D’un côté les historiens, de l’autre les philosophes purs et durs. Est-ce que je me trompe ?

P. Sollers : Non pas vraiment. Mais je voudrais d’abord signaler l’information la plus importante... Je m’occupe d’une revue trimestrielle assez confidentielle, mais pas tellement, qui s’appelle l’Infini. Le dernier numéro, l’avant-dernier numéro, c’était le numéro 95, c’était un numéro assez gros complètement consacré à Heidegger. C’est plus de trois ans de travail sous la direction d’un philosophe extrêmement remarquable qui s’appelle Gérard Guest. Ce numéro à ma grande surprise - divine surprise ! - a été épuisé en un mois et a été réimprimé depuis aux éditions Gallimard. Donc il ne faudrait surtout pas entendre, dans ce qu’on vient de dire, que Gallimard aurait la moindre réticence quant à la publication de l’œuvre de Martin Heidegger. Alors sur cette affaire, il y a quelque chose de très simple, à mon avis, à dire, c’est qu’Emmanuel Faye, dans son livre, « exit » une vieille affaire qui revient comme le monstre du Lochness. L’appartenance de Heidegger au parti nazi... Bon il y a des livres entiers là-dessus. On ne va pas y revenir... cela durerait trois siècles... Il a fait un pas de plus décisif. Il a dit que la philosophie tout entière de Heidegger était infiltrée, contaminée par une vision du monde nazie. Ce qui est évidemment une faribole et une absurdité. Je rappelle au passage que Heidegger est un penseur absolument considérable. Il a une œuvre en effet énorme. Il a influencé de leur propre aveu... Relisez ce que Sartre en dit... à quel point Heidegger lui avait sauvé la vie pratiquement... la vie de la pensée... Bon, que des penseurs comme Levinas, comme Lacan, comme Foucault, surtout Derrida... dont le nazisme ne parait pas du tout évident.
SollersEnfin, voilà, donc il y a une telle exagération, un tel emballement dont la simplification. C’est ça le problème. On vit à une époque médiatique, que vous palpez constamment, où le simplisme, la réduction devient pratiquement pavlovienne. Et donc comme ça il y a des réactions qui sont extraordinairement falsificatrices. Je ne me suis pas occupé de ce livre... qui s’appelle "Heidegger à plus forte raison" *. Qui était une réponse à ce mouvement de déconsidération de Heidegger visant en quelque sorte à le retirer de la bibliothèque philosophique. Il est au programme de l’agrégation. Il y aurait comme ça dans un coin une littérature nazie. On mettrait Heidegger là-dedans avec une croix gammée définitive. C’est absolument absurde, ça vise à éradiquer tout effort de pensée en fait. Ce qui c’est passé je n’ai pas été en charge de évidemment... Je m’occupais d’autre chose... de ce numéro qui vient d’être réimprimé... qui est excellent !.. l’Infini, numéro 95. Je vous le recommande ! Il se trouve, je pense, que Fédier, dans un premier temps, a dû faire un texte qu’il a ensuite corrigé et qui a alerté... les épreuves ont été envoyées dans les salles de rédaction... qui a alerté ceux qui relancent sans arrêt cette affaire Heidegger, par exemple quelqu’un comme Roger Pol-Droit, du Monde, qui écrit dans le Point. Il y a quelques personnes qui, vraiment, répètent sans arrêt la même chose. On dirait vraiment que, pour eux, c’est une question essentielle, d’empêcher en quelque sorte la lecture de Heidegger. Ce livre magnifique que vous avez cité "Acheminement vers la parole", mais bien d’autres, "Approche de Hölderlin", etc. C’est vraiment le grand penseur de la poésie fondamentale, je pense, il y a eu quelque chose qui s’est passé. Fédier a donc revu et corrigé son texte. Il s’en est expliqué dans le monde dans un entretien avec Jean Birnbaum. Tout ca ... au cœur de l’été... il y a eut en quelque sorte un emballement, que je n’ai pas suivi de près, du juridique.



Bonneau : Si je comprends bien, Philippe Sollers, Gallimard ne publiera pas ce livre ?

P. Sollers : Il va paraître, je peux vous l’annoncer, bientôt aux éditions Fayard où il a été immédiatement accepté.

Bonneau : Il va être publié chez Fayard.

P. Sollers : Dans tout cela beaucoup de bruit pour pas grand-chose. Cela sera un volume que je n’ai pas lu pour l’instant. Je le lirai avec le plus vif intérêt.

Bonneau : D’accord ... Alors, Philippe Sollers, merci de nous avoir donné votre point de vue, de nous avoir expliqué cette affaire ... Michel Onfray est arrivé en avance (...). Page 77 de votre dernier livre, "La puissance d’exister", chez Grasset, vous dites, Michel Onfray, « quelle est la preuve du philosophe ?... : sa vie ». Et vous parlez, justement, de Heidegger en disant que cette fracture schizophrénique entre la vie et l’œuvre où on peut dire par exemple : « ah oui Martin Heidegger a appartenu au parti nazi mais son œuvre n’a rien à voir avec ça ». Vous, ce que vous dites, si j’ai bien compris, c’est que voilà une vie de philosophe, elle ne peut pas être séparée dans des petits bouts, son œuvre, sa pensée et qu’il faut prendre en tout, en totalité. Qu’est-ce que vous pensez de cette affaire ? Est-ce que le fait que Martin Heidegger a été nazi le disqualifie comme philosophe ?

Michel OnfrayOnfray : D’abord je trouve le livre de Faye remarquable. C’est un des rares grands livres que j’ai lu dans ces dix dernières années. Pas seulement sur la question Heidegger mais aussi sur ce sujet de l’implication, de la vie, de la biographie, du philosophe, du professeur. Toutes ces choses-là sont mélangées. Alors, bien sûr, on peut toujours dire : ce qui m’intéresse c’est le philosophe, ce n’est pas le professeur, je fais l’économie de telle partie dans la biographie. Quand Philippe Sollers dit... accessoirement... cette histoire de parti nazi. Mais c’est quand même de 33 à 45. On ne peut pas faire avant, on ne peut pas faire après... Ca ne veut pas rien dire cette affaire d’inscription au parti nazi ! Mais, très longtemps, on a dit : « oui mais cela n’est pas comme ça qu’il faut l’entendre. Il ne pouvait pas ne pas y être ». Et d’un seul coup Faye nous donne des démonstrations considérables, remarquables, des traductions. Il a travaillé sur des archives, sur des séminaires en disant « regardez comment ça marche ». Et ça imprègne la philosophie. Alors pas forcément "Etre et Temps"... encore que... on peut imaginer que, dans "Etre et temps", l’être-pour-la-mort, la question de l’enracinement, la question du sol, la question de la critique de la technique. Toutes ces choses là ont à voir avec la thématique nazie. Alors cela ne fait pas un philosophe nazi à proprement parler.



Bonneau : Vous n’êtes pas favorable, Michel Onfray, pour reprendre l’expression de P. Sollers, à retirer Heidegger de la bibliothèque philosophique ?

M. Onfray : Non, enfin, non. On publie Carl Schmidt, on en publie d’autres aussi. Je suis même pour le fait qu’on republie les pamphlets antisémites de Céline. On est des grands garçons et des grandes filles. On est capable de faire des lectures. On est capable de trouver aujourd’hui dans le commerce Mein Kampf ... Qu’on fasse des éditions, qu’on fasse appel à des gens qui sont capables de faire des préfaces, des introductions, des annotations ... Qu’on prenne en considération le travail de Faye et qu’on dise « voilà, c’est un philosophe, avec des errements, des égarements, avec des traits de génie probablement, avec une grandeur... ça c’est sûr, avec un travail qui est original, certes. Mais on oublie beaucoup Husserl, on oublie beaucoup la phénoménologie avant Heidegger. Quand on dit Sartre n’aurait jamais été possible sans Heidegger... non ! Sans Husserl, oui ! Sans Heidegger non ! Je pense qu’on pourrait rentrer dans des détails techniques qui font que le débat est de toute façon préférable à l’interdiction de toute publication.

Bonneau : Ca vous convient Philippe Sollers ?

P. Sollers : Et bien, écoutez, ça ira très bien comme ça. Il faudra s’entendre sur "la vie des philosophes"... il y aurait beaucoup de choses à dire. .. Onfray vient de prononcer le mot de grandeur. Et bien je m’en satisfais pleinement.

Bonneau : Très bien. Et bien je vous remercie beaucoup Philippe Sollers.

Écrit par : Nebo | 17/01/2007

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