30/08/2010
Keynes Vs. Hayek : le grand débat continue
Les débats faisant rage actuellement à propos des politiques susceptibles de sortir l'économie américaine de la Grande Récession sont une répétition des débats ayant eu lieu durant la Grande Dépression. Grâce aux efforts de Richard Ebeling, Professeur d'économie à l'Université Northwood, nous en avons une preuve documentaire concise et incontestable. Il a redécouvert des lettres parvenues au Times of London des protagonistes de l’époque qui reflètent en fait les débats d'aujourd'hui.
Le 17 octobre 1932, le Times publiait une longue lettre de John Maynard Keynes et de cinq autres économistes universitaires. Le camp de Keynes, et coll. (Keynes pour faire court), y plaidait pour l’accroissement des dépenses — de toute nature, privée ou publique, consommation ou investissement. « L'économie privée » était le coupable qui entravait le retour à la prospérité. Si une personne décide d’épargner, rien ne garantit que les fonds « trouveront leur chemin vers l'investissement dans de nouveaux projets par des entreprises publiques ou privées ». Ils citent « le manque de confiance » comme étant la raison de la non-transformation de l'épargne en investissement. Par conséquence, « l'intérêt général dans les conditions actuelles ne va pas dans le même sens que celui de l'économie privée ; dépenser moins d'argent que ce que l’on souhaiterait n'est pas patriotique ». Ils concluent en soutenant les dépenses publiques pour compenser la fâcheuse épargne privée.
Les opinions exprimées dans cette lettre allaient devenir l’essence de l’économie keynésienne : les dépressions sont causées par un manque de dépenses qui peuvent être compensé par les dépenses publiques. Le keynésianisme (qui est antérieur à Keynes) est aujourd’hui facilement identifiable dans les discours prononcés par le président Obama et son équipe économique.
Deux jours plus tard, le 19 octobre 1932, quatre professeurs de l'Université de Londres répondaient à la lettre de Keynes, et l'un des signataires était Friedrich A. Hayek qui, 50 ans plus tard, allait gagner le prix Nobel d'économie. Le camp Hayek, et coll. (Hayek pour faire court), identifiait trois sujets de discorde. En premier lieu, ils rejetaient avec justesse l’argument de Keynes sur la futilité de l'épargne comme étant en réalité un argument sur ce qui est généralement appelé les dangers de la thésaurisation ; à savoir les conséquences potentiellement néfastes d'une augmentation de la demande de monnaie au niveau de l’ensemble de l'économie qui n'est pas satisfaite par une augmentation correspondante de l'offre de monnaie. « Il est admis que thésauriser, en espèces ou en encaisses oisives, a des effets déflationnistes. Personne ne pense que la déflation est désirable en soi ».
Deuxièmement, les professeurs de Londres contestaient l’idée que la forme des dépenses importait peu, que ce soit la consommation ou l'investissement. Ils considéraient le « renouveau de l'investissement comme particulièrement souhaitable », comme le font les partisans de l'économie de l’offre d'aujourd'hui. Ils distinguent la thésaurisation de la monnaie de l'épargne investie en valeurs mobilières, et réaffirment l'importance des marchés des valeurs mobilières dans la transformation de l'épargne en investissement.
Leur troisième et plus grand désaccord avec Keynes concernait les effets bénéfiques des dépenses publiques financées par des déficits. Ils s’y opposaient. « L'existence de la dette publique à une grande échelle impose des frictions et des obstacles au réajustement, beaucoup plus importants que les frictions et les obstacles imposés par l'existence de la dette privée ». Ce n'était pas le moment pour de « nouvelles piscines municipales, etc. » (exemple de Keynes). Dans notre contexte contemporain, pas de plan de relance.
Enfin, et surtout, ils ont montré la voie à suivre pour aller de l’avant. Les gouvernements du monde entier, suivant les États-Unis avec la destructrice Loi Smoot-Hawley de 1930, s'étaient tournés vers le protectionnisme et les restrictions sur les flux de capitaux. Hayek a fait valoir qu'il était temps « d'abolir les restrictions sur le commerce et la libre circulation des capitaux » : le remède à la Grande Dépression était un système international d'échange mondial revigoré. L'économie mondiale n'a pas cédé au protectionnisme cette fois-ci, mais les efforts pour développer le commerce mondial ont faibli. Comme l’a rappelé récemment Allan Meltzer, Professeur d'économie à l'Université Carnegie Mellon, dans le Wall Street Journal, seule l'expansion du commerce nous permet de rembourser la dette publique qui pèse sur l'économie.
La redécouverte par le Prof. Ebeling de ces lettres a déclenché un torrent de commentaires sur les blogs. Comme l’a dit Mario Rizzo, économiste à l’Université de New York, « le grand débat est encore Keynes contre Hayek. Tout le reste n'est que notes de bas de page ». Les économistes ont habillé le débat avec toujours davantage de complexité mathématique, mais les problèmes sous-jacents restent les mêmes.
Keynes avait-il raison de soutenir que l’épargne devienne des encaisses oisives et déprime l'activité économique ? Ou était-ce le point de vue de Hayek, d'abord énoncé par Adam Smith dans la Richesse des nations en 1776, qui était correct ? (Smith : « Ce qui est annuellement épargné est aussi régulièrement consommé que ce qui est annuellement dépensé, et il l’est aussi presque dans le même temps. »)
Les dépenses sont-elles toutes également productives, ou les politiques publiques devraient-elles viser la stimulation de l'investissement privé ? Dans ce dernier cas, M. Obama est en train de suivre les traces de Roosevelt et d’empêcher la reprise, en diabolisant les entreprises et en créant un environnement d’incertitude par le biais de nouvelles réglementations et de programmes coûteux. En faisant cela, il ne suit ni Hayek, ni Keynes, puisque la création d'incertitudes est considéré comme destructive par les deux. Enfin, la création d’une nouvelle dette publique dans une économie affaiblie est-elle la voie vers la reprise ? Ou sont-ce « les économies » (« l’austérité » dans le débat d'aujourd'hui) et l’épargne qui mènera vers la prospérité aujourd’hui, comme cela a été généralement envisagé auparavant ?
De notre correspondant,
Gerald O’Driscoll,
ancien vice-président de la Federal Reserve Bank de Dallas, est analyste au Cato Institute à Washington DC,
le 12 juillet 2010.
06:57 Publié dans Reversibilité | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
< www.diplomatic-word.com >
Écrit par : Clern | 03/09/2010
Les commentaires sont fermés.