28/10/2009
Chaîne du meurtre
Un juge italien découvre le gène du meurtre
La Cour d'Appel de Trieste a invoqué une «vulnérabilité génétique» prédisposant à la violence pour accorder une réduction de peine d'un an à un meurtrier d'origine algérienne.
MAEL INIZAN
Le gène du meurtre existe-t-il ? Une Cour d’Appel italienne vient d’accorder une réduction de peine à un assassin d’origine algérienne, en invoquant une «vulnérabilité génétique» qui le prédisposerait à un comportement agressif. Une première en Italie.
Condamné à 9 ans et deux mois de prison pour avoir poignardé un Colombien de 32 ans, à Udine, en mars 2007, Abdelmalek Bayout a vu sa peine réduite d’un an après s’être soumis à une analyse ADN «innovante». «On a découvert chez le sujet une série de gènes qui le prédisposeraient à faire preuve d’agressivité s’il venait à être provoqué ou à être exclu socialement», résume le site Internet du quotidien Il Giorgnale.
Une prédisposition sociale et génétique au meurtre
L’héritage social, mais surtout, pour la première fois en Italie, le patrimoine génétique ont été reconnus par Cour d’Appel de Trieste comme des circonstances atténuantes. Le soir du meurtre, la victime a agressé son meurtrier, le traitant notamment de «pédé». Des insultes qui, pour les juges, expliquent en partie la réaction disproportionnée de cet homme d’origine algérienne et musulman pratiquant. Se référant à une étude britannique du Nuffield Council on Bioethics, «Génétique et comportement humain: le contexte étique» (2002), la Cour a considéré qu’Abdelmalek Bayout présentait une prédisposition, à la fois sociale et mais également génétique, au meurtre.
Selon une application totalement inédite de l’article 62 du code pénal italien, qui définit les circonstances atténuantes, les juges ont considéré que la réaction violente de l’accusé a été «déclenchée par le déracinement causé par la nécessité de concilier le respect de la propre foi islamique intégriste avec le mode de vie occidental». Mais, surtout, elle a été exacerbée par des éléments de son patrimoine génétique «qui, selon de nombreuses recherches internationales, augmentent de manière significative le risque de développer un comportement agressif impulsif», écrit, le juge Pier Valerio Reinotti dans ses conclusions. Un héritage «socio-biologique» qui justifie alors, pour la Cour, une réduction de peine d’un an.
«Un non-sens scientifique»
«C’est un non-sens scientifique», s’exclame Catherine Vidal, neurologue et directrice de recherche à l’institut Pasteur, réfutant tout consensus dans la communauté scientifique sur l’existence de gènes de la criminalité ou de l’agressivité. Selon elle, il existe effectivement des études qui montrent des corrélations entre certains gènes et des comportements, mais sans pour autant prouver une véritable relation de cause à effet. «De toute façon, ces études sont réalisées sur des grands échantillons, sur des bases statistiques. Elles ne peuvent en aucun cas prédire un comportement violent chez un individu particulier qui comparait devant un tribunal», prévient-elle.
Co-auteur de Nos enfant sous haute surveillance (Albin-Michel 2009), elle s’inquiète d’une «dangereuse dérive» qui tend à vouloir invoquer les sciences dans des domaines où elles n’ont pas vocation à l’être. De son côté, Eve Mongin, avocate française en Italie, n’est pas surprise de cette prise de position de la Cour d’Appel de Trieste. «L’Italie pays d’immigration récente, il y a encore peu d’intégration des maghrébins qui sont souvent stigmatisés», explique-t-elle. Dans une Italie du Nord gouvernée par le parti «raciste et scissionniste» de la Ligue du Nord, elle accueille ce jugement avec scepticisme: «Vu les motivations hasardeuses des juges, il y a peu de chance qu’il fasse jurisprudence».
17:17 Publié dans Action psy | Lien permanent | Commentaires (0)
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