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13/10/2014

En attendant le jugement dernier...

Le droit pénal n'a pas pour fonction de perpétuer un tabou social

Inceste.jpgL'amour entre frère et sœur bientôt autorisé outre-Rhin ? Le Conseil d'éthique allemand a brisé un tabou et donné le 24 septembre un avis en faveur de la dépénalisation des relations sexuelles entre des frères et sœurs adultes consentants. Ses recommandations, sans aucune valeur contraignante, vont à l'encontre de l'article 173 du Code pénal selon lequel l'inceste entre frères et sœurs est passible de deux ans de prison – et qui date de 1871.

En auditionnant plusieurs couples de frères et sœurs, "les membres du Conseil d'éthique ont été touchés par la misère sociale des personnes vivant dans l'inceste", souligne la Süddeutsche Zeitung.Ils rejettent du reste l'argument médical, évoqué jusqu'à présent pour interdire les relations consanguines, selon lequel les enfants d'un couple incestueux ont davantage de risques de présenter des problèmes de santé : ces risques sont bien plus importants chez les personnes porteuses des gènes de maladies génétiques et nul ne songerait à leur interdire d'avoir des relations sexuelles ni de fonder une famille.

"Cette loi a-t-elle encore lieu d'être ?"

Sur les 25 membres de cet organe qui assiste le gouvernement et le Parlement sur les questions éthiques, 14 se sont prononcés pour l'évolution de la loi, 9 contre, et 2 se sont abstenus, rapporte Der Spiegel. "La majorité du Conseil d'éthique est d'avis que le droit pénal n'a pas pour fonction de perpétuer un tabou social", explique le Conseil, cité par le magazine de Hambourg.

En Allemagne, le débat est lancé, et la Süddeutsche Zeitung s'interroge : "Cette loi a-t-elle encore lieu d'être en cette époque d'émancipation et de liberté sexuelle ?"

La circoncision interdite

Circoncision.gifLe jugement devrait faire jurisprudence. Le tribunal de grande instance de Cologne (Allemagne) a estimé que la circoncision d'un enfant pour des motifs religieux était une blessure corporelle passible d'une condamnation. Mardi, la communauté juive a dénoncé une atteinte à la liberté religieuse. Le Conseil central des juifs d'Allemagne estime qu'il s'agit d'«une intervention gravissime et sans précédent dans les prérogatives des communautés religieuses». 

Son président, Dieter Graumann, a exigé que les députés allemands légifèrent sur la question pour éviter des atteintes à la liberté religieuse. 

La communauté musulmane, qui compte plus de 4 millions de membres, est également montée au créneau. Le Conseil de coordination des musulmans en Allemagne (KRM) voit dans ce jugement une «grave atteinte» à la liberté religieuse. Ali Kizilkaya, porte-parole du KRM, a déploré le fait que l'Allemagne «criminalisait» des coutumes millénaires. 

La cour saisie après qu'un médecin a été mis en cause

A l'origine, la justice allemande avait été saisie du cas d'un médecin généraliste de Cologne qui avait circoncis un petit garçon de 4 ans à la demande de ses parents musulmans. Quelques jours après l'intervention, l'enfant avait dû être admis aux urgences pour des saignements. Le parquet de la ville avait alors engagé des poursuites contre le médecin. Ce dernier avait été relaxé en première instance puis en appel, le tribunal arguant du fait qu'à l'époque des faits il n'était pas en mesure de déterminer s'il agissait illégalement.

«L'erreur (du médecin) était inévitable», la littérature juridique livrant jusqu'à présent des réponses différentes, selon le jugement du tribunal de Cologne. Selon des estimations de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), 30% des garçons de 15 ans et plus sont circoncis. Aux Etats-Unis, par exemple, une majorité de garçons subissent cette intervention, au nom de l'hygiène autant que du conformisme social.

Ce que dit le jugement 

Le tribunal a jugé que «le corps d'un enfant était modifié durablement et de manière irréparable par la circoncision» et que «cette modification est contraire à l'intérêt de l'enfant qui doit décider plus tard par lui même de son appartenance religieuse». Cette décision n'interdit toutefois pas l'acte à des fins médicales. Les droits des parents en matière d'éducation et de liberté religieuse ne sont pas bafoués s'ils attendent que l'enfant soit en mesure de décider d'une circoncision comme «signe visible d'appartenance à l'islam», poursuit le tribunal.

Cette décision judiciaire est «extrêmement importante pour les médecins car ils ont pour la première fois une base légale sur laquelle s'appuyer», a assuré un expert en droit, Holm Putzke, dans le Financial Times Deutschland (FTD).  «Aucun médecin ne pourra plus à l'avenir prétendre avoir cru qu'il devait circoncire un enfant pas encore en âge de décider pour des raisons religieuses», selon ce professeur de l'Université de Passau (sud) qui voit dans ce jugement une "césure". «A la différence de nombreux responsables politiques, le tribunal ne s'est pas laissé dissuader par la crainte d'être critiqué comme étant antisémite ou antireligieux», a ajouté cet expert.

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