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24/03/2009

Cuisine et sexe: les nouveaux interdits américains

avortement2.jpgCuisine et sexe: les nouveaux interdits américains

par Jonathan Weiss, Professeur émérite, écrivain

Le Monde 23.03.09

Depuis les années 1950, la façon dont les Américains appréhendent la cuisine et le sexe a changé. C'est le sujet d'un article de Mary Eberstadt du Hoover Institution, intitulé "Is Food the New Sex ?"

Depuis soixante ans, écrit-elle, il y a eu un renversement dans le rapport entre la morale et la nourriture et le sexe. Là où l'acte de manger et ce qu'on mangeait étaient moralement neutres, cet acte est devenu aujourd'hui lourd de signification morale. Et là où l'acte sexuel s'entourait de nombreux interdits, cet acte est devenu aujourd'hui libre de presque toute portée morale.

Dans les années 1950, ce qu'on mangeait relevait du goût ; aujourd'hui, on applique à ce qu'on mange l'impératif catégorique de Kant : en mangeant j'agis selon des principes que je considère applicables à tout être humain, car ces principes relèvent du bien et du mal. Par contre mon comportement sexuel est libre de cet impératif catégorique, car, dans ma vie sexuelle, j'agis selon mes propres désirs, sans les transformer en principes universels ; j'admets donc une variété de comportements sans y attacher aucun opprobre.

Les habitudes culinaires des Américains ont certes beaucoup changé. Il y a soixante ans on mangeait les steaks, le veau, les plats riches et la crème fouettée. Mis à part quelques aliments condamnés par notre tradition culinaire (le cheval, le lapin), l'Américain était plus ou moins omnivore.

Le changement le plus remarquable dans la cuisine américaine n'est pas dans la nouvelle variété des aliments, mais dans la valeur que la société attache à ce qu'elle mange. Les matières grasses sont à proscrire ; on dira d'un yaourt qu'il est fat free, le mot free étant chargé de sens moral. En ce qui concerne la viande, la situation relève d'une hiérarchie complexe, surtout chez les végétariens. Ainsi par exemple manger de la viande rouge est moins moral que manger du poulet ou du poisson, le comportement le plus moral étant de ne manger aucune chair d'animal ni de poisson. Quand un végétarien proclame que la viande rouge n'est pas bonne pour la santé, ce n'est pas parce qu'il en a fait une analyse nutritive, mais parce que la viande, qui provient d'un acte violent (l'abattage d'un animal) est impure en soi.

Michelle Obama va planter un potager sur la pelouse de la maison blanche, pour avoir, dit-elle, des légumes frais à table, mais les Américains verront son geste comme un geste patriotique. Le PDG du yaourt bio Stonyfield Farm déclare qu'il ne veut pas seulement vendre son produit mais "changer le monde". S'il est peu probable que les activistes et les végétariens réussissent à interdire le foie gras et le veau, ils ont déjà réussi à imposer un système de valeurs qui est en train de pénétrer la société américaine. Manger n'est plus simplement se faire plaisir ; ce que je mange reflète mes valeurs morales.

Par contre, dans le domaine de la sexualité, les valeurs morales sont de plus en plus absentes. Il y a cinquante ans la religion avaient imposé au comportement sexuel une distinction entre le bien et le mal. L'homosexualité était condamnée comme étant un acte impur, mais même au sein de l'hétérosexualité certains comportements étaient inacceptables. L'association entre sexualité et religion avait comme conséquence l'interdiction de l'avortement, mais aussi la prohibition de la vente des contraceptifs. Aucun acte ne relevait d'autant d'interdits que l'acte sexuel.

Il serait sans doute exagéré de dire que l'acte sexuel aujourd'hui n'implique plus aucune valeur morale, mais l'Amérique est moins puritaine que par le passé. Le scandale Clinton-Monica Lewinsky a marqué la fin d'une ère. Les sondages de l'époque révèlent que le peuple américain se souciait peu, dans sa très grande majorité, de la vie sexuelle de son président. Clinton avait une cote de popularité entre 58 et 72 pour cent pendant toute la période du scandale, et 42 pour cent seulement des Américains approuvaient la procédure de destitution. En d'autres termes, le public refusait d'appliquer au comportement sexuel de son président l'impératif catégorique de Kant.

Si les Américains sont devenus (presque) aussi libres dans leur attitude envers le sexe que les Français, dans le domaine culinaire les Français se rapprochent (un peu) des Américains. Les végétariens sont moins nombreux en France qu'aux Etats-Unis, et les traditions culinaires plus tenaces. Mais la popularité des produits bio en France témoigne d'un changement. Comme les Américains, les Français aiment avoir la conscience tranquille en mangeant. Ils digèrent mieux un poulet élevé en plein air, non pas parce qu'il est plus facile à digérer mais parce qu'en le mangeant on croit bien faire.

Si nos deux sociétés évoluent vers une métaphysique de la nourriture et vers une neutralisation morale des actes sexuels, c'est que certains facteurs, tels que l'abondance de la nourriture et la contraception, le permettent. Sans doute, dans cinquante ans, nos attitudes ne seront plus les mêmes.

20/03/2009

Et préserve-nous du mal

Pas de doute. Cet homme-là, c’est Satan ou l’Antéchrist. S’il ouvre la bouche, ce ne sont pas des mots qui sortent de ses lèvres, mais l’odieux son des trompettes du Jugement. Il répaBenoitXVINoel.jpgnd plus de plaies que l’Egypte ne pourra jamais en compter, a un petit faible pour les négationnistes et les violeurs de fillettes (surtout quand ils sont brésiliens) et, comble de l’horreur, prescrit au monde entier de choper le sida en baisant sans capote.

Une chose est sûre : avec le départ de George Bush de la Maison Blanche, la planète médiatique avait perdu son grand méchant loup. Elle vient de s’en fabriquer un à sa mesure : Benoît XVI est désormais l’ennemi mondial numéro un. Qu’il dise un mot ou reste coi, il est devenu le salaud de prédilection de notre temps. Et c’est bien parti pour que cet état ne prenne fin qu’avec son pontificat.

Avouons que, pour le rôle du grand méchant loup, c’est un bon client. Il est allemand, c’est-à-dire très bon pour les machines-outils, cancre pour les relations publiques ; il est catholique, chose détestable dans un monde où existent des religions un peu plus conformes à l’idée de coolitude (droit-de-l’hommisme, écologie, obamisme, etc.) ; il essaie de faire des phrases et de conduire des raisonnements, en un temps où l’auditeur lambda décroche dès le premier mot prononcé.

L’affaire de la capote africaine – sale coup porté aux Anglais – illustre parfaitement ce déphasage entre le Souverain Pontife et la sphère médiatique. L’ensemble de notre presse et de notre personnel politique pousse depuis mercredi des cris d’orfraie et condamne unanimement celui qui prétend que “l’utilisation du préservatif aggrave le problème du sida”. Ce matin, Pierre Bergé invitait sans rire les catholiques à “changer de religion” – sans toutefois leur promettre un abonnement gratuit à Têtu, la philanthropie a ses limites. A midi, sur France Inter, Stéphane Bern, tout en nuances, qualifiait les propos papaux de “génocidaires”. A ce rythme, Josef Ratzinger devrait être déféré ce soir devant le TPI et exécuté demain à l’aube. Il n’est pas même jusqu’à Alain Juppé qui n’ait brandi son pavois de haute moralité parmi tous les boucliers levés, pour dénoncer la fâcheuse manie de ce pape à vouloir rester droit dans ses bottes. Encore un effort participatif, Citoyens, et il se trouvera bien quelqu’un pour accuser Benoît XVI d’être un nouveau Guillaume Dustan et de prôner le barebacking dans les caves du Vatican où demeure encore vivace le souvenir de Rodrigue Borgia, un temps taulier sous le nom d’Alexandre VI.

On a même vu s’exprimer – la chose ne s’était guère produite depuis Jules Ferry et son discours sur l’homme blanc – un racisme bienpensant : les Africains sont des êtres tellement serfs et dénués de raison que, le saviez-vous, ils suivent à la lettre tout ce que dit le pape. Et Daniel Cohn-Bendit, parmi cent autres bonnes âmes, d’accuser Ratzinger de “meurtre prémédité”. Décryptage : le pape dit qu’il ne faut pas mettre de capote ; donc Banania, il nique sans, chope le sida et finit par crever dans sa case. Les nègres, faut leur parler comme à des enfants. C’est plus du tiers-mondisme, c’est Tintin au Congo réinventé.

Au fait, outrecuidante question, qu’a-t-il dit mardi dernier, le pape, dans l’avion qui le menait à Yaoundé ? Il répondait à la question d’un journaliste sur la position des catholiques face au sida. Benoît XVI a expliqué dans un premier temps que l’Eglise est présente au jour le jour aux côtés des malades : plus de 25 % des séropositifs dans le monde sont pris en charge par des institutions catholiques (hôpitaux, dispensaires, communautés). Puis il a enchaîné sur la phrase qui prétendument tue : “Je dirais qu’on ne peut pas résoudre le problème du sida avec l’argent, même s’il est nécessaire. On ne peut pas résoudre le problème du sida avec la distribution de préservatifs ; au contraire elle aggrave le problème. La solution est double : d’abord, une humanisation de la sexualité, un renouveau spirituel, humain, intérieur, qui permet ainsi de se comporter différemment avec les autres. Et deuxièmement, une amitié, une disponibilité pour les personnes qui souffrent.” Dans la version publiée sur le site du Vatican, les propos ont un brin changé : “l’argent” est remplacé par “des slogans publicitaires” et “elle aggrave le problème” par “le risque est d’augmenter le problème”.

Nulle part, le pape ne dit qu’il ne faut pas utiliser de capotes. Nulle part, il n’en condamne l’usage. Il dit simplement qu’on ne peut pas se contenter de cette solution et qu’en distribuant à l’Afrique des préservatifs on se donne certainement bonne conscience, mais on ne règle rien du tout. Et quand on ne règle pas un problème, on l’aggrave… Le continent africain, ce n’est pas le Marais. Il ne suffit pas de négocier un prix de gros à la société Durex pour faire de la distribution gratuite, de demander à Line Renaud de tourner un spot télé ni d’arborer une fois l’an un petit ruban rouge à sa boutonnière. Si d’ailleurs la question du préservatif pouvait tout régler, il serait criminel que la communauté internationale ne se mobilise pas pour envoyer au quasi milliard d’Africains de quoi se protéger… L’enjeu est bien d’une toute autre nature.

Le premier problème, c’est l’ampleur du désastre : en 2007, 22 millions de personnes étaient infectées sur le continent africain selon Onusida. C’est la première cause de mortalité et la maladie y est, plus que partout ailleurs, un facteur de mort sociale. Lutter contre l’exclusion et la stigmatisation des malades (en leur offrant “une amitié, une disponibilité”) n’est pas une pontificale lubie : il s’agit de changer les mentalités, de faire admettre que le sida n’est pas la maladie de l’autre, mais un véritable risque qui pèse sur tous. On n’a jamais vu dans l’histoire aucune épidémie reculer grâce à la stigmatisation et à l’exclusion. En ce sens, l’appel que lance le pape à la fraternité envers les malades n’est pas une billevesée ni une niaiserie de catéchisme : c’est une étape prophylactique essentielle.

L’autre grande question, c’est la prévention et l’information des populations. Au Nigeria, au Congo, au Cameroun, les équipes locales ne se contentent pas de distribuer des capotes, elles en expliquent l’usage (qui n’est pas multiple), tentent de lutter contre les préjugés (elle ne rend pas stérile), encouragent le dépistage et promeuvent aussi abstinence et fidélité… N’en déplaise aux bonnes âmes pour lesquelles le noir est doté d’un appétit sexuel à la mesure de son appareil génital, les valeurs morales trouvent un écho souvent favorable chez les chrétiens comme chez les musulmans du continent africain. Pourquoi s’en passerait-on ? On sait en Europe que les prophylaxies efficaces sont celles qui savent s’adapter à chacun des publics qu’elles visent. Or, en Afrique, le mot d’ordre devrait être : fous ta capote et tais-toi ? La prévention n’est pas une chose simple : elle implique de former des équipes locales, d’ouvrir des centres de dépistage, mais surtout de prendre en compte la réalité de l’Afrique contemporaine, bref de ne pas se dédouaner en utilisant le mot “préservatif” comme grigri, mais de mener des actions de fond.

Le troisième problème – et de loin, le plus important –, c’est l’accès aux soins. Autant le dire tout de suite : si vous êtes africain et contractez la maladie, votre chance d’être soigné est proche de zéro. Les antirétroviraux sont excessivement chers et, contrairement à l’Inde, l’Afrique ne dispose d’aucun laboratoire pharmaceutique capable de les produire sous leur forme générique. Elle les importe donc, quand on le lui permet.

Hier justement, les douanes néerlandaises ont saisi à l’aéroport Schiphol d’Amsterdam une cargaison entière d’antirétroviraux à destination du Nigéria, au prétexte que le laboratoire indien les produisant porterait atteinte aux intérêts des laboratoires pharmaceutiques propriétaires du brevet… Business is business. Mais qui s’en soucie, qui va pousser de grands cris, qui va jouer de petits couplets indignés ? Qui va accuser nos amis bataves de se comporter comme des meurtriers en puissance ? Qui va dire fuck une bonne fois pour toutes à ces gens qui préfèrent défendre le droit des brevets que la vie humaine ? Circulez, y a rien à voir. C’est plus vendeur, coco, d’accabler le grand Satan du Vatican que de rentrer dans les détails. D’ailleurs, mardi, à peine était-il descendu de son avion que Benoît XVI a prononcé un discours à Yaoundé : il réclamait la gratuité des soins pour les personnes atteintes du sida, c’est-à-dire l’accès des malades aux antirétroviraux. Ça n’a pas fait une ligne dans les journaux. Pourtant, ça n’aurait arraché la gueule d’aucun de mes honorables confrères si prompts à l’indignation de relayer cette info : un pape qui fait sien l’un des plus anciens combats d’Act up (”Des molécules pour qu’on s’encule”), ça n’est pas tous les jours que ça arrive… Le pape est punk : c’est pas un beau titre, ça ?

Ah non, j’oubliais. La question, on vous l’a dit et répété, c’est la capote ! C’est qu’elle n’est plus, dans nos sociétés occidentales, un simple moyen de prophylaxie. Elle est une religion : les barebackers qui refusent le préservatif dans leurs rapports sexuels sont appelés relaps en français. Ce mot est directement tiré du vocabulaire religieux de la pire espèce, celui de l’Inquisition : est relaps qui est retombé dans l’hérésie après l’avoir abjurée. On ne fait pas grief au relaps de sa sexualité effrénée, on lui reproche simplement d’avoir déserté la clientèle de Durex ou Mannix. Puisque la seule question qui vaille est la capote, le jour viendra où, dans des affaires de viol en réunion, le port du préservatif jouera comme une circonstance atténuante. Pourrait-on s’interroger, ne serait-ce qu’un moment, sur cette société où la règle consiste à tout consommer, même les corps ?

Bien entendu que non. Chacun est invité à adopter la pornonomie comme seule moralité. Et le temps viendra où un pape agira, depuis le balcon de Saint-Pierre, comme le premier prof de sciences nat’ venu. Il sortira un vague godemiché et déroulera un bout de plastique tout le long du fac-similé turgescent. Il aura, faute d’habitude, l’air un peu emprunté. Mais il s’y fera. Et il conviera peut-être, dans un lumineux élan, le monde entier à un orgasme multiple, participatif et protégé. Le monde entier, sauf l’Afrique, car elle aura crevé, elle, après avoir eu le droit de tout consommer, sexe et capotes, indignations et beaux discours. Elle aura eu le droit de tout consommer, sauf les trithérapies. Désolé, homme noir, toi pas avoir assez argent.

http://www.causeur.fr/

Et préserve-nous du mal

Le monde s’est inventé un nouveau grand Satan tout blanc

François Miclo

20.03.09

15:46 Publié dans Apocalypse | Lien permanent | Commentaires (0)

15/03/2009

Le système bancaire américain est insolvable

Article qui dresse un bilan synthétique de la situation économique mondiale... et elle n'est pas fameuse. Par l'un des analystes économiques actuellement les plus en vu sur la place. Rien à voir donc avec un quelconque hurluberlu expert en apocalypse.

22:00 Publié dans Apocalypse | Lien permanent | Commentaires (0)

Le moment de fraternité

Elisabeth Lévy s'entretient avec Regis Debray.

01:41 Publié dans Action psy | Lien permanent | Commentaires (0)