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02/01/2009

Un rapport propose de décriminaliser la polygamie

Polygamie.jpgUn rapport soumis au secrétariat de la Condition féminine du Canada propose de décriminaliser la polygamie. La décriminalisation permettrait de mieux aider les femmes et enfants qui sont victimes de mariages polygames en leur épargnant la peur de se voir eux-mêmes condamnés, selon le rapport, écrit par trois professeures de droit de l'Université Queens à Kingston.

Le ministre fédéral de la Justice, Irwin Cotler, écarte déjà la possibilité de décriminaliser la polygamie, selon la Presse Canadienne, qui a obtenu le rapport en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

À la Fédération des femmes du Québec, la présidente Michèle Asselin n'avait pas pris connaissance du rapport. Mais à prime abord, elle considère que la décriminalisation pourrait être une bonne chose. Il en va tout autrement de la légalisation de la polygamie. «Décriminaliser, c'est une chose, dit Mme Asselin. Mais légaliser, ça instituerait des droits différents d'une femme à l'autre. Même si la polyandrie était aussi permise, ça ne serait pas mieux, ça irait contre le principe d'égalité des conjoints.»

Selon le rapport, la polygamie est un phénomène très marginal au Canada: un millier de personnes faisant partie d'une secte dissidente mormone en Colombie-Britannique et quelques ménages polygames chez les immigrants musulmans en Ontario. Même si la secte polygame de Bountiful, en Colombie-Britannique, suscite certains remous dans l'Ouest, le rapport n'a pas été commandé pour traiter spécifiquement de l'acceptabilité de la polygamie. Il devait plutôt répondre aux inquiétudes des critiques de la légalisation du mariage homosexuel qui affirmaient que la prochaine étape était celle de la polygamie.

«La loi qui rend la polygamie criminelle n'est presque jamais appliquée», explique l'une des coauteures, Bita Amani, en entrevue téléphonique. «Il n'y a eu que quelques accusations depuis l'adoption de la loi en 1892 et elles datent du début du 20e siècle.» En 1985, la Commission canadienne de réforme de la loi a proposé l'abolition de cette interdiction, considérant que la polygamie est «une pratique marginale ne correspondant à aucune réalité sociologique ou légale significative au Canada».

Par contre, deux provinces, l'Ontario et l'Île-du-Prince-Édouard, ainsi que les Territoires du Nord-Ouest, reconnaissent partiellement les mariages polygames contractés à l'étranger. Cette reconnaissance sert seulement à l'établissement des pensions alimentaires et au partage de l'héritage.

Le rapport propose de clarifier cette situation. «Il serait préférable que le gouvernement précise de quelle manière les veuves d'un homme polygame peuvent accéder à sa pension de vieillesse, dit Mme Amani. Pour le moment, il n'y a aucune règle. Est-ce qu'il faudrait que les veuves se partagent la pension? Qu'elles en bénéficient en totalité, ce qui équivaudrait à la multiplier par le nombre d'épouses? Il faut que le gouvernement se prononce. Ça améliorerait l'égalité de ces femmes.»

Paradoxalement, le rapport suggère de continuer d'interdire l'immigration des polygames. En d'autres mots, il faut limiter l'entrée de polygames au pays, mais il faut également bien les traiter s'ils réussissent à franchir cette barrière.

Mme Amani se défend de favoriser la légalisation de la polygamie. «En proposant la décriminalisation, nous n'ignorons pas l'ample documentation scientifique sur les effets négatifs de la polygamie sur les femmes et les enfants.»

Selon le professeur de droit Alain Roy, de l'Université de Montréal, la décriminalisation de la polygamie est probablement une bonne idée, qui ne mènera pas nécessairement à sa légalisation. «Il a fallu une bonne trentaine d'années pour que la décriminalisation de l'homosexualité mène à la reconnaissance du mariage homosexuel», note-t-il.

La légalisation de la polygamie fera d'ailleurs face à des obstacles presque insurmontables, selon Me Roy. «Dans les cultures où elle est pratiquée, la polygamie s'accompagne généralement d'une inégalité des droits des hommes et des femmes qui est inacceptable au Canada, dit-il. Si on décide de la légaliser, il ne faudra pas se mettre la tête dans le sable.»

La GRC enquête

Début décembre, les ministres de la Justice de l'Utah et de la Colombie-Britannique se sont rencontrés pour discuter de la polygamie. La GRC enquête présentement sur des allégations de crimes sexuels dans la secte mormone de Bountiful, créée dans une vallée isolée du sud de la province à la fin des années 40 par des dissidents mormons. 

Selon le ministre de la Justice de l'Utah, des membres de cette secte fuient la récente sévérité américaine envers la polygamie et se rendent au Canada. Un trafic de jeunes épouses irait notamment de l'Utah vers le Canada. 

L'une des particularités des dissidents mormons est qu'ils répudient les jeunes hommes, pour des motifs divers, afin de réserver les jeunes femmes aux hommes d'âge mûr. L'Église mormone officielle a renoncé à la polygamie depuis la fin du 19e siècle.

La Presse, 16 janvier 2006

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