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18/07/2008

Le droit des enfants de voter

Pedophilie.jpgQu'est-ce que le suffrage universel? La question a été régulièrement posée depuis que le principe et sa différance, forment l'horizon de notre démocratie. Au nom du peuple, oui, mais lequel? Condorcet avait déjà fait ce rêve, fou, de vouloir reconnaître le droit de suffrage aux femmes et de préparer les enfants, ce véritable dauphin démocratique, à leurs charges futures. Au nom du droit des génération future, cette anticipation de la souveraineté populaire, à la pointe de la flêche du temps, un groupe de députés allemands. Intitulée "Donner une voix à l'avenir Pour le droit de vote dès la naissance", a introduit une motion introduite au Bundestag proposant le droit de vote des nouveaux-nés. Les 46 élus sociaux-démocrates (SPD), conservateurs (CDU-CSU) et libéraux (FDP) demandent que le gouvernement soumette une proposition de loi pour mettre fin à une situation où "14 millions de citoyens allemands sont exclus du droit de vote, et ce en raison de leur âge uniquement". Il appartiendrait aux parents de l'exercer en leur nom jusqu'à ce que les jeunes se sentent assez "mûrs".

L'idée n'est pas nouvelle. Elle a pour la première fois été esquissée par Carl Friedrich Goerdeler (un résistant antinazi décapité en février 1945), dans un manifeste sur l'avenir politique de l'Allemagne rédigé en prison. Elle participe d'une volonté d'émancipation des enfants qui va de l'abaissement de la majorité sexuelle, au droit des enfants d'avoir des relations sexuelles avec des adultes (Pays-Bas) ou du droit pour les enfants malades en stade terminal de décider de leur euthanasie (Pays-Bas encore). Bref, elle participe d'une émancipation des enfants et d'une relativisation de leur minorité (en l'occurence, il n'y en aurait plus).

Mais en Allemagne cette revendication des enfants pour l'exercice des droits civiques complet a fait l'objet de recours devant la Cour constitutionnelle.  En 1995, Benjamin Kiesewetter et Rainer Kintzel, qui avaient alors 15 et 12 ans, ont saisi la Cour constitutionnelle d'une plainte dans laquelle ils faisaient valoir que la limitation de l'âge du droit de vote à "dix-huit ans révolus" dans l'article 38 de la loi fondamentale contredisait l'article 20, de portée plus générale, aux termes duquel "tout pouvoir d'État émane du peuple", en arguant qu'ils étaient aussi "du peuple". La discrimination contre les jeunes de leur naissance à leur majorité était ici mise en cause. Les juges de Karlsruhe avaient refusé d'examiner leur plainte, mais pour des raisons de forme, la contestation d'une loi devant intervenir au plus tard un an après son adoption.

Nouvel essai en 1998, avant les législatives. Robert Rostoski, avant ses 18 ans, essaie de se faire inscrire sur les listes électorales à Berlin. Il fait appel du refus et, cette fois-ci, la Cour constitutionnelle le déboute sur le fond.

Le Bundestag entre en jeu en 2003 lorsque 47 députés dont le président Wolfgang Thierse (SPD) relancent l'idée. Ils font notamment valoir l'inéluctable vieillissement démographique de la population qui, disent-ils, conduira les responsables politiques à délaisser les intérêts des jeunes pour satisfaire les desiderata d'un électorat vieux de plus en plus important. "Il y a deux cents ans, relevait alors le député FDP Klaus Haupt, personne ne pouvait imaginer que tout citoyen mâle aurait le droit de vote, il y a cent ans personne ne pensait que les femmes allaient l'obtenir."

La discussion au Bundestag qui a suivi cette initiative, tout comme l'introduction d'un projet de loi en 2005 par le même groupe n'ont cependant pas fait avancer la cause de ceux que l'hebdomadaire Der Spiegel a appelés les "électeurs en Pampers". Sauf miracle, ce sera encore le cas cette fois-ci.

Si le droit de vote était un jour reconnu aux enfants, plusieurs conséquences paradoxales en découleraient. D'abord, l'exercice de ce vote, du moins pour les plus petits, serait assuré par les parents ou par le titulaire de l'autorité parentale. On ressuciterait l suffrage plural, en vigueur en Belgique en 1899, et permettant au chef de famille de voter plusieurs fois, selon un coéficient qui égalerait le nombre de ses enfants. Dans l'hypothèse d'un divorce, la femme étant le plus souvent titulaire du droit de garde, exercerait le droit de vote, de sorte que l'on aboutirait à une féminisation du vote contraire au principe de la parité. Mais surtout, ne serait-on pas ammené à étendre le droit de vote aux embryons, en application de l'adage bien connu et ici même rappelé il y a quelques semaines: infans conceptus pro nato habetur, l'enfant conçu est présumé né (chaque fois qu'il y va de son intérêt). Ainsi, ce ne sont plus les morts que l'on ferait voter, comme autrefois Barrès, ce ventriloque des tombeaux, ou, avec moins de talent, Tiberi, mais des âmes sans corps, de purs esprits invoqués le jour du suffrage, des idées d'enfants. Isoloirs, isoloirs, avez-vous donc une âme? La fiction de la démocratie apparait enfin au grand jours... 

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