28/06/2007
Heurs et malheurs du sarkozysme
Nous remercions Jacques Sapir de nous avoir adressé le texte suivant.
Mini-traité et maxi-déboires :
Heurs et malheurs du sarkozysme et de la classe politique française
Jacques SAPIR
Directeur d’Études à l’EHESS
25 juin 2007
Comme il l’avait annoncé Durant la campagne électorale, Nicolas Sarkozy a obtenu des pays de l’Union Européenne l’approbation d’un " mini-Traité " censé relancer la démarche européenne. On pouvait y craindre une tentative pour contourner le rejet massif du Traité Constitutionnel Européen par les électeurs français et néerlandais en 2005. L’accord survenu dans la nuit du 22 au 23 juin 2007 contient cependant plusieurs changements significatifs avec le texte du défunt Traité Constitutionnel Européen. Ces changements viennent s’inscrire dans la logique d’un discours qui affirme l’importance de protections douanières, une remise en cause de la politique de l’Euro fort pratiquée par la BCE et autres coups de canifs au contrat moral du politiquement correct européiste que l’on a connu, à droite comme à gauche, ces dernières années en France.
Que l’on ne soit pour l’instant que dans l’espace du discours est une évidence. Cependant, on doit constater la continuité de ce discours entre l’avant et l’après-élection présidentielle. Il faut aussi remarquer que la position de Nicolas Sarkozy a été affaiblie par les résultats du 2ème tour des élections législatives et l’importante abstention qui s’y manifestât. Même si les dirigeants de l’UMP refusent de l’admettre, passer d’une estimation de 405 à 420 sièges à une réalité de 318 élus a un sens, en dépit du fait que la majorité au Parlement soit conservée. Le décalage entre la prévision et le résultat réel a bien été perçu dans l’opinion comme une correction significative donnée au mandat confié au nouveau Président. Ce dernier ne connaîtra pas un " état de grâce " comparable à celui de ses prédécesseurs.
Ces différents événements forment un tout. Il éclaire les contradictions et dynamiques du " sarkozysme ", mais aussi de l’ensemble de la classe politique française. Les commentaires euphoriques des défenseurs du système après l’élection Présidentielle se trouvent ainsi démentis. La crise du système politique français est toujours présente. On l’avait diagnostiqué dans le fait que les 3 principaux candidats de l’élection Présidentielle avaient dû reprendre à leur compte une bonne partie des éléments du discours des adversaires du système. Ce diagnostic est ainsi confirmé. Il doit cependant être enrichi par l’analyse des récents événements.
I. Un traité aux forceps pour une Constitution défunte.
L’élément le plus significatif réside dans la posture adoptée par Nicolas Sarkozy lors des négociations du Conseil Européen qui ont abouti à l’accord sur un mini-Traité.
Se présentant explicitement comme le représentant d’un pays qui avait massivement rejeté le TCE, Nicolas Sarkozy a fait retirer du futur Traité tous les éléments issus du TCE et visant à construire les éléments symboliques d’une souveraineté supranationale, ainsi que les références à la trop fameuse " concurrence libre et non faussée " que l’auteur de ces lignes avait durement attaqué avant et après le Référendum de 2005. Enfin, la place des services publics à la Française est officiellement reconnue.
On peut soutenir que ces changements ne sont que de pure forme. La Commission de Bruxelles en effet reste maîtresse de l’interprétation des normes de concurrence et peut ainsi venir s’opposer aux politiques industrielles nationales là et quand ces dernières exigeraient une suspension de la concurrence. La reconnaissance des services publics peut être vue comme une simple concession. Il est indiscutable que le cadre réglementaire de l’Union Européenne va toujours dans le sens d’un affaiblissement, voire d’un démantèlement des services publics. L’absence des symboles de souveraineté pour l’UE ne doit pas, non plus, être compris comme un renoncement complet au projet fédéral.
Tout cela est vrai et il est important de mettre en garde contre toute interprétation triomphaliste de ce qui s’est joué dans la nuit des 22 au 23 juin 2007. Nicolas Sarkozy, défenseur du " oui " lors du référendum ne s’est pas mué en une nuit en partisan du " non ". Cependant, il serait tout aussi erroné de ne pas saisir ce que les concessions symboliques représentent, justement parce qu’il s’agit de symboles.
Comme dans l’analyse que l’on a faite de la campagne du 1er tour des élections présidentielles, on veut ici mettre en garde contre l’analyse simpliste qui considère que l’opposition " discours-faits " doit être conçue comme une opposition entre un élément superstructurel (le discours) n’engageant nullement un élément infrastructurel (les faits de la politique réelle). Une telle vision relève du matérialisme vulgaire au sens le plus péjoratif du terme.
La politique réelle ne peut se mettre en oeuvre qu’en adéquation à des représentations symboliques partagées. Quand la politique heurte de front ces représentations, elle soulève des oppositions qui deviennent rapidement insurmontables. Ceux qui contestent les politiques ont le droit symbolique pour eux. On l’a vu de manière éclatante avec le Mouvement Social de l’automne 1995 qui n’a eu la force et la signification qu’on lui a connues que parce qu’il était en cohérence avec le cadre symbolique qui s’était mis en place lors de l’élection Présidentielle de 1995.
En reconnaissant qu’il était légitime de contester la " concurrence libre et non faussée ", que la concurrence ne pouvait au mieux être qu’un instrument et non une fin, que la notion de services publics est consubstantielle d’une certaine vision d’une société solidaire, enfin que seuls les Etats-Nations ont les symboles de la souveraineté, Nicolas Sarkozy vient d’accepter et de faire accepter le cadre symbolique que les partisans du " non " au référendum avaient soutenu.
En affirmant clairement que le TCE est mort et que tout projet de faire revoter une Constitution est illusoire, Nicolas Sarkozy prend acte d’un fait politique qu’une partie de la classe politique et des élites médiatiques françaises ont nié avec constance et énergie depuis 2005.
On doit rapprocher le compromis Bruxellois de la nuit du 22 au 23 juin des déclarations que Sarkozy a faites au Salon du Bourget le 23 dans l’après-midi. En réaffirmant la nécessité de mesures protectionnistes pour permettre un développement des industries françaises, en mettant à nouveau l’accent sur la surévaluation de l’Euro, il identifie des axes possibles d’une véritable politique de rupture face au consensus européiste. Cependant, la faiblesse des réponses apportées est aussi une claire indication des contradictions du sarkozysme. Ces dernières ont déjà commencé à se manifester avec le tournant que l’on a vu entre le 1er et le 2ème tour de l’élection législative.
II. Par-delà la TVA sociale, les contradictions d’une démarche politique.
Ce qui s’est joué entre les deux tours de l’élection, et a conduit un Président élu avec une des plus fortes majorités de ces dernières années se retrouver avec une majorité parlementaire inférieure à celle dont il avait hérité, est un événement majeur, qui mérite une analyse approfondie. Il s’agit d’un ensemble complexe de faits et de postures qu’il convient de désassembler pour en comprendre le sens.
Le premier élément se joue au soir du 1er tour. La classe politique et les élites médiatiques se trouvent confrontées à une des plus fortes abstentions enregistrées pour des élections législatives (39,4%). Ceci vient en partie invalider la thèse d’une fin de la crise politique que l’on avait entendue à satiété après l’élection présidentielle. Même si la tension politique était naturellement retombée compte tenu de la dramatisation des enjeux de la Présidentielle, ceci est vrai pour TOUTES les élections législatives faites dans la foulée de cette dernière (1981, 1988, 2005). L’écart de participation ne pouvait pas ne pas être remarqué.
Dans ce contexte, le camp de Président avait cependant le vent en poupe car les projections lui annoncent une des plus fortes majorités de ces dernières années (de 405 à 420 sièges sur 577 pour la seule UMP). Or, les représentants du sarkozysme délégués sur les plateaux télévisés se sont fait magnifiquement piéger par un Laurent Fabius dont il faut ici saluer le sens politique. Ayant compris la faille qui s’ouvre dans le discours sarkozyste entre l’affirmation volontariste d’une baisse des charges fiscales et parafiscales et la nécessité de maintenir les équilibres budgétaires, Fabius débusque la TVA sociale. Les ministres présents sur les plateaux ne peuvent nier et le PS, à court d’idées, de programme, et pleine crise des ego politico-médiatiques retrouve un axe de bataille grâce à celui qui reste l’homme du " non " de gauche au référendum de 2005.
Le second élément survient au second tour. Après s’êtres empêtrés dans des déclarations contradictoires, les responsables de l’UMP qui ont été incapables de tenir un discours cohérent de politique économique payent l’addition : leur majorité passe des 405-420 sièges annoncés à 318, ce qui est moins que dans l’assemblée élue en 2005. Et là se situe un second fait. Alors que l’une des forces du discours sarkozyste durant la campagne présidentielle avait été de se présenter (et dans une certaine mesure d’avoir été) un discours du réel, un affichage du refus des faux-semblants, les ministres présents sur les plateaux se réfugient dans un discours du déni. On entend, de manière assez pathétique, un Brice Hortefeux ou une Rashida Dati proclamer que l’on est en présence d’une grande victoire de l’UMP et qu’il ne s’est rien passé entre les deux tours.
Bien sûr, à ne parler que chiffres, l’UMP conserve une majorité confortable (encore qu’elle soit en dessous des 3/5ème nécessaire pour une révision constitutionnelle). Mais l’important est l’inversion de tendance. Rien ne semblait pouvoir résister au sarkozysme conquérant. Ses adversaires politiques s’étaient laissé piéger dans la diabolisation de l’homme et le " tout sauf Sarko ". Les voici remis en selle et qui plus est sur un terrain qui avait fait la force du candidat Sarkozy : la politique économique et sociale.
Ne pas vouloir admettre qu’il s’est passé quelque chose d’important relève alors du déni du réel. Son expression publique que l’on a entendue à satiété par les principaux représentants du sarkozysme vient alors fracasser la prétention à tenir un " discours du réel ". S’ouvre alors un second malaise entre le Président nouvellement élu et l’opinion, malaise qui va au-delà de la question de la TVA sociale.
Le bilan dès lors s’impose : Nicolas Sarkozy n’aura pas d’état de grâce.
Une comparaison militaro-historique vient alors à l’esprit. Du 22 juin 1941 à début août les armées allemandes pénétrèrent en URSS avec une relative facilité. L’Armée Rouge vaincue dans la " bataille des Frontières " semblait brisée. Fin août, Joukov lança une contre-attaque contre les éléments avancés allemands dans la région de Yelna et infligea à l’envahisseur des pertes sérieuses. On était encore loin du renversement de la balance des forces et l’Armée Rouge devait connaître d’autres défaites et temps difficiles. Mais, Yelna est une véritable défaite pour les forces allemandes. C’est la fin de la Blitzkrieg. Les généraux ne voulurent pas reconnaître. On sait ce qu’il en advint.
D’autres exemples pourraient être fournis. Ils convergent vers la même conclusion. En politique comme dans l’Art de la guerre, il est essentiel de conserver la dynamique que l’on a acquise après une première victoire. Que cette dynamique soit brisée et la situation se modifie en profondeur. Là où la confiance régnait, le doute s’installe et la discorde se propage. Là où l’abattement, la peur, la défaite semblaient s’imposer renaît l’espoir.
Les activités humaines dépendent beaucoup de la volonté des acteurs, de ce que l’on appelait autrefois les " forces morales ", et ces dernières s’enracinent dans les constructions psychologiques qui se mettent en place à travers des événements qui font contexte. Qui ne le comprend pas, qui ignore le poids qu’un événement symbolique peut avoir, se trompe lourdement.
Plus que l’image d’un échec induit par la dissonance cognitive induite par l’écart entre la " vague bleue " annoncée et le résultat réel, c’est l’émergence d’une clôture autistique chez les tenants du sarkozysme qu’il fut retenir. Cette émergence est significative de l’évolution que l’on pourrait connaître dans les mois à venir.
III. Les sources d’une défaite.
Il faut donc bien reconnaître que, au-delà des simples chiffres, l’UMP et le sarkozysme ont subi une défaite en ce soir du second tour des élections législatives. Elle est, bien sure, loin d’être irrémédiable, et même décisive. Mais elle existe et implique d’être analysée.
L’intervention de Nicolas Sarkozy à TF1 quelques jours après le 2ème tour des élections législatives nous fournit une clé.
Le Président a défendu l’idée de la TVA sociale par deux arguments. Le premier est qu’il convient de faire baisser l’imposition sur le travail (ce qui n’est pas faux) et qu’il convient d’accroître les taxes portant sur les importations (ce qui est aussi exact) afin d’éviter les délocalisations. Le second est que le transfert des taxes vers la TVA a bien marché en Allemagne et doit donc être tenté en France.
Le second argument est le plus fragile. Effectivement, on a vu en Allemagne un allègement des taxes liées à la protection sociale être compensé par une hausse de la TVA. Ceci a correspondu à une dévaluation d’environ 10%. Cependant, on oublie de dire qu’en même temps les entreprises allemandes continuaient de délocaliser la production de composants dans des pays de l’UE où le coût du travail est très bas (Pologne, République tchèque) en conservant l’assemblage final. Se constitue alors une chaîne de valeur qui permet aux entreprises allemandes d’accroître leurs profits et à la balance commerciale de l’Allemagne de devenir fortement positive. Cependant, en matière d’emploi, le résultat est moins convaincant. Une large part de l’amélioration des chiffres de l’emploi est liée à la démographie déclinante du pays et les pertes en emplois industriels sont tout aussi fortes qu’en France. Le " modèle " Allemand n’en est pas vraiment un. De plus, comme nous n’avons pas à nos frontières les mêmes pays, il n’est pas duplicable en France.
Le premier argument présenté par Nicolas Sarkozy est certainement le plus fort et mérite d’être pris en considération.
La question ici est de savoir si la TVA sociale est la bonne réponse. Notons immédiatement la maladresse insigne qui a consisté à défendre l’idée d’une hausse de la TVA pour financer la seule baisse des cotisations patronales. Une baisse simultanée des cotisations salariées aurait pu rendre la mesure plus acceptable. Sur le fond, la TVA sociale dans sa forme actuelle, est une solution insatisfaisante. Sauf à accepter des taux très élevés elle ne permet au mieux qu’un effet de dévaluation de 10% alors que l’économie française, face à montée de l’Euro, devrait pouvoir dévaluer de 20% à 25%.
La TVA sociale ne peut se substituer à une réelle réflexion sur le protectionnisme et surtout à la présentation d’une stratégie monétaire cohérente. Le candidat Sarkozy avait à plusieurs reprises, et à juste titre, dénoncé l’Euro fort. Le président Sarkozy en a reparlé le 23 juin. Mais fors le constat et la dénonciation, il n’y a pas de stratégie. Ici aussi la posture du " discours du réel " est renvoyée à sa propre image et doit choisir entre une véritable rupture intellectuelle et politique avec le consensus des élites politico-médiatiques françaises et le reniement.
La question de la TVA sociale devient donc un véritable révélateur, au-delà de la manière dont elle a été utilisée avec brio par Laurent Fabius pour décrédibiliser en partie l’UMP.
Personne, ni à droite ni à gauche, ne conteste aujourd’hui le fait que la désindustrialisation qui frappe la France est un phénomène négatif. Le temps où certains " experts " y voyaient une preuve de " modernité " est bien passé. Personne ne conteste aujourd’hui que le commerce international ne peut être réglé par la simple concurrence, en raison des différences de situations sociales entre les pays. La question du taux de change commence à être posée quand l’Euro atteint les sommets, et qu’il se prépare à continuer de s’apprécier que ce soit vis-à-vis du Dollar américain mais aussi du Yen. L’idée que les économies de la France et de l’Allemagne ne réagissent pas de la même manière au taux de change se fait aussi jour. On peut constater une réelle convergence dans des constats qui, hier, n’étaient portés que par des forces politiques périphériques ou marginales. Mais, à droite comme à gauche, nul ne veut tirer les conséquences logiques et cohérentes de ces constats.
Il est vrai que les options sont limitées, tant que l’on veut rester à l’intérieur du périmètre défini par le consensus politico-médiatique.
L’imitation du modèle Allemand supposerait – on l’a dit - que soit démontrée la généralité des solutions adoptées par l’Allemagne. Or, fors la TVA, les solutions y sont spécifiques, issues à la fois de la spécialisation historique de l’industrie allemande et de sa proximité géographique avec l’ancienne Europe de l’Est.
Certains éléments de la social-démocratie française imaginent de réactiver un " modèle nordique " (tarte à la crème idéologique des années 1968-1981) en insistant sur les performances de pays comme la Finlande, le Danemark et la Suède, qui combinent ouverture à la globalisation et performances économiques et sociales. Ici encore, il est abusif de parler de " modèle " car ces résultats sont hautement spécifiques.
Tout d’abord, on est en présence de " petits " pays, c’est-à-dire d’ensembles socio-politiques dont les dynamiques (la " densité sociale " au sens de Durkheim) sont moins complexes que celles de pays de 40 à 70 millions d’habitants. Par ailleurs, au sein de ces pays, on a 3 situations particulières. La Finlande est tractée depuis 5 ans par la très forte croissance russe. Cette dernière explique entre 40% et 60% de la croissance finnoise. La Suède combine les coûts de l’énergie les plus bas (grâce à sa géographie qui lui assure une hydro-électricité abondante en regard de sa population réduite) et une politique de délocalisation de fait avec contrôle de la chaîne de valeur, similaire à celle pratiquée par l’Allemagne, et centrée sur les Pays Baltes. Le Danemark, pays de la " flex-sécurité " tant vantée, tire profit d’une ancienne spécialisation dans l’agro-alimentaire complétée aujourd’hui par les revenus des hydrocarbures de la Mer du Nord. On le voit, aucune de ces situations n’est transposable à la France.
Il reste, bien entendu, le couple acceptation-accompagnement où l’acceptation des logiques libre-échangistes va de paire avec une politique sociale compassionnelle. On retrouve ici le fonds de commerce d’un Pascal Lamy, Dominique Strauss-Kahn et François Bayrou. Il n’a qu’un défaut, mais il est rédhibitoire : la politique de l’accompagnement social est infinançable dans les conditions d’ouverture commerciale et de contrainte monétaire qui sont celles de la France aujourd’hui.
IV. La crise du sarkozysme est-elle inéluctable ?
La force du candidat Sarkozy face à ses adversaires avait été justement de pointer du doigt le problème de financement, tout en proposant une sortie par le haut autour de la mise en cause d’un commerce dérégulé et des attaques contre l’Euro fort. Sarkozy avait sur ce point gagné la bataille de la cohérence face à Ségolène Royale, qui n’a jamais su choisir entre politique active et politique d’accompagnement, entre la figure de la Vierge consolatrice (son agneau des Charentes dans les bras) et celle de la Vierge combattante (Jeanne d’Arc), et un François Bayrou resté prisonnier de son européisme.
Aujourd’hui, les éléments de sa victoire se retournent contre lui.
Ceci était prévisible dès le 1er tour de la Présidentielle, comme on l’avait signalé à l’époque. Cependant, le " style " Sarkozy accélère le processus.
On l’a vu et entendu lors de son interview à TF1, la Président entend assumer toutes les responsabilités et tout ramener à sa personne. Non seulement ceci est-il contraire à l’esprit de la Constitution de la Vè République, mais politiquement ceci conduit à renvoyer directement le Président aux symboles et thématiques qu’il a lui-même mis en avant. La logique charismatique-bonapartiste de ce comportement (qu’il partage dans une large mesure avec Ségolène Royale qui a imposé sa candidature au PS de cette manière) impose que le " chef " soit victorieux et qu’il détienne en permanence le " charisme ".
Or, on l’a indiqué plus haut, cette condition est déjà battue en brèche par le résultat du 2ème tour des législatives. L’auto-proclamation d’un " succès " lors du sommet Européen de Bruxelles ne saurait suffire à combler cette brèche. Si elle devait continuer de s’ouvrir cet été, la rentrée 2007 pourrait ressembler à celle de 1995.
Dès lors, le Président, comme ses adversaires, devront affronter la question d’une politique économique alternative, qui soit cohérente et logique.
Une politique logique et cohérente, dans un pays aux caractéristiques et à la taille de la France, implique de réviser et le parti-pris de l’ouverture commerciale et celui de la norme monétaire dominantes dans la zone Euro.
La TVA sociale apparaît alors comme un moyen de ruser devant le choix véritable : soit admettre la vacuité des promesses électorales et l’inanité du " discours du réel " qui fit la force réelle du sarkozysme, soit aller bien au-delà de ce que le consensus politico-médiatique Français pourra accepter. On serait, alors, dans une réelle logique de la " rupture ". Notons que le dirigeant qui s’y engagerait ne manquerait pas d’atouts. L’Allemagne constatera vite qu’elle ne pourra avoir et la zone Euro qu’elle préfère et le couple Franco-Allemand. Si elle sacrifie le second au premier, elle provoquera une sortie de la France, imitée par l’Italie de l’Euro (très certainement accompagnée d’une politique de contrôle des flux de capitaux à court terme). Sans les " mauvais élèves ", la Zone Euro connaîtra une réévaluation telle, que la politique Allemande actuelle ne pourra y faire face. Si elle choisit raisonnablement la survie du couple Franco-Allemand, alors elle devra négocier les formes de gestion de la Zone Euro. En réalité, les marges de manœuvres sont ici du côté de la France, si son gouvernement est résolu à aller au bout de sa logique.
Il faut aussi noter que le retournement protectionniste, venant après deux décennies de construction du Libre-Échange en dogme, est désormais bien perceptible, que ce soit aux Etats-Unis (où les démocrates ont autant gagné les élections de mi-mandat sur ce thème que sur la guerre en Irak), ou dans le blocage du Cycle de Doha. L’évolution de la position russe sur l’OMC est aussi à méditer.
Enfin, le thème des politiques industrielles, avec ce qu’elles impliquent comme action volontariste de l’État, est en train de revenir d’actualité. Ici aussi, l’exemple russe commence à faire école.
La question de la crise du sarkozysme est donc ouvertement posée moins de 6 semaines après l’élection. Ceci ne signifie pas qu’elle soit tranchée.
La réponse est pour partie entre les mains du Président lui-même, puisqu’il entend assumer la totalité des responsabilités. Il a le choix entre donner un contenu stratégique cohérent à la rupture économique que ses propos de campagne ont dessinée, ou se replier sur des solutions tactiques faites d’une succession de " coups " médiatiques aux résultats toujours aléatoires et qui ne peuvent qu’entraîner la " pipolisation " de son image, et l’effritement de son autorité.
La réponse est aussi pour partie entre les mains de ses adversaires. La dénonciation de la TVA sociale a permis au PS, grâce à Laurent Fabius, de porter un coup d’arrêt. Elle ne se substitue pas à un programme ni à une stratégie. Ici aussi le choix est entre la cohérence d’une stratégie de rupture ou l’enlisement dans les opérations tacticiennes avec à la clé la même logique de " pipolisation " et de perte de crédibilité.
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