05/02/2009
Chauprade acte II bis
Aymeric Chauprade, chargé du cours de géopolitique au Collège interarmées de défense (CID, l'ancienne Ecole de guerre) a été brutalement congédié ce matin par le ministre de la Défense Hervé Morin, à la suite d'un article paru dans Le Point. Hervé Morin lui reproche d'être l'auteur d'un "texte au travers duquel passent des relents inacceptables" consacré aux attentats du 11 semptembre, présentés comme le fruit d'un complot israélo-américain. Aymeric Chauprade vient de publier une "Chronique du choc des civilisations" aux éditions Chronique-Dargaud (photo)
Voici ce qu'écrit Jean Guisnel, sur le site du Point, citant les propos du ministre: "En arrivant sur le porte-avion Charles de Gaulle qui navigue au large de Toulon, Hervé Morin a déclaré jeudi au Point : "J'ai découvert un texte au travers duquel passent des relents inacceptables. Sur onze pages, on nous parle d'un complot israélo-américain imaginaire visant à la conquête du monde. Quand j'ai appris cela mardi soir, j'ai donné pour consigne au général Desportes, le directeur du Collège interarmées de défense [le supérieur de M. Chauprade], de ne pas conserver ce monsieur Chauprade dans son corps enseignant. Il n'a absolument rien à faire à l'École militaire". Une décision à valeur de renvoi pour Aymeric Chauprade."
Interrogé par Libération/Secret défense, Aymeric Chauprade, 40 ans, se déclare "stupéfait" : "On me coupe la tête. Je n'ai eu aucun contact avec le cabinet du ministre, qui n'a pas cherché à m'entendre avant de prendre cette décision à la suite de la parution d'un seul article". "Très fâché", Chauprade entend se défendre. Il a saisi un avocat et promet de "la bagarre".
Sur le fond de ce qui lui est reproché, il dit : "Je présente la thèse [du complot américano-israélien], certes de manière avantageuse, mais sans la faire mienne. Je souhaitais mettre en opposition deux façons de voir le monde, sachant que la moitié de l'humanité pense que les attentats du 11 septembre sont le fruit d'un tel complot" et non l'oeuvre des islamistes d'Al Qaïda. Pour avoir lu le chapitre contesté, qui est le premier du livre, l'auteur de ce blog peut toutefois assurer que les thèses complotistes sont présentées avec beaucoup de complaisance et surtout que l'auteur omet sciemment de présenter l'autre version des faits, ainsi les critiques des scénarios complotistes.
Dès ce jeudi après-midi, des élèves du CID s'élevaient contre ce qui s'apparente, à leurs yeux, à une "chasse aux sorcières" au nom de "la pensée unique".
Aymeric Chauprade, qui enseignait cette semaine aux officiers de l'armée marocaine, à Kenitra, sera reçu demain matin par le directeur du CID, le général Vincent Desportes. Il lui a été demandé de cesser immédiatement ces activités et n'assurera donc pas le séminaire "Energie et développement durable" qu'il devait animer ce vendredi. Aymeric Chauprade enseigne au CID depuis 1999 et dirige le cours de géopolitique depuis 2002. Officier de réserve de la marine, il a un petit bureau dans les locaux de l'Ecole militaire. Outre son séminaire, son cours porte sur les méthodes d'analyse géopolitique, destinés à des officiers d'environ 35 ans. Ses activités au CID représente environ un tiers de ses activités et donc de ses revenus. Il est par ailleurs éditeur et auteur de plusieurs ouvrages, dont une "Géopolitique, constantes et changements dans l'histoire" (Ellipses).
"Il n'a jamais fait de prosélytisme dans ces cours, n'a jamais exprimé sa vision du monde, mais en faisant état de ses fonctions au CID dans ces livres, il engage l'institution militaire avec des thèses qui ne sont pas les nôtres" assure le général Vincent Desportes, qui commande le CID. Le général Desportes, qui est l'une des têtes pensantes des armées et l'auteur de nombreux livres, s'affirme "intellectuellement en opposition avec les thèses défendues par Chauprade, qui sont assez peu recevables".
Dans ces livres et ses articles, Chaprade défend une une théorie du choc des civilisations, au travers notamment d'une opposition entre l'Europe (incluant la Russie) et l'Islam. Mais, contrairement aux néo-conservateurs d'Outre-Atlantique, il est nettement hostile aux Etats-Unis et à Israël. Chauprade n'a jamais fait mystère de ces convictions politiques d'une droite dure, proche de Philippe de Villiers.
Selon nos informations, la direction du CID avait l'intention de se séparer en douceur d'Aymeric Chauprade, mais elle n'est absolument pour rien dans la décision du ministre de la Défense.
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Chauprade acte II
Aymeric Chauprade, docteur en science politique (diplômé Science Po), enseignant en Suisse, au Maroc et directeur du cours géopolitique du collège d’état des interarmés de la défense en France. Il dirige également une revue de géopolitique et gère des collections d’édition. Donc pas un jambon à priori. Ce monsieur écrit un énième livre sur la géopolitique “Chronique du choc des civilisations” auquel il va consacrer 11 pages à parler du 11 septembre qui aura finalement un lourd écho dans un article de Le Point du 5 février 2009.
“J’ai découvert un texte au travers duquel passent des relents inacceptables. Sur onze pages, on nous parle d’un complot israélo-américain imaginaire visant à la conquête du monde. Quand j’ai appris cela mardi soir, j’ai donné pour consigne au général Desportes, le directeur du Collège interarmées de défense [le supérieur de M. Chauprade], de ne pas conserver ce monsieur Chauprade dans son corps enseignant. Il n’a absolument rien à faire à l’École militaire.”
La liberté d'opinion et d'expression est généralement considérée comme une liberté fondamentale à l'Homme.
Elle est citée à l'article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme comme suit:
« Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit. »
De même, dans la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 (article 11) :
« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »
La Convention européenne des droits de l’Homme, Conseil de l’Europe de 1950 (article 10) :
« 1 Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations. »
« 2 L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. »
CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni
CEDH, 21 janvier 1999, Fressoz et Roire c. France) :
« La liberté d'expression vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels, il n'est pas de « société démocratique ».
18:42 Publié dans Antigone | Lien permanent | Commentaires (0)