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20/06/2009

Dévorer des agonies

 

KulikRuralRussia294.jpg

« Le père soulève son propre fils, qui a changé de forme;

Il l'égorge, avec par-dessus des prières, le grand sot. Les autres

Sont gênés de sacrifier un fils qui supplie. Lui, reste sourd aux appels;

Il égorge, et prépare dans la grande salle un repas funeste. De la même manière, le fils saisit son père et les enfants leur mère,

Ils arrachent leur vie et mangent leurs propres chairs. »

Empédocle, Fragment 137

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08/06/2009

Loi électorale

Loi Electorale. — Il n'est pas bête ce projet de baser le nombre des députés sur le nombre des électeurs, au lieu que, jusqu'alors, il était basé sur la population totale. On pourra donc, en ne se faisant pas inscrire au registre du troupeau votant : d'abord échapper soi-même au dégoût d'être représenté par un sordide politicien ; ensuite, par cette abstention et le bon exemple, diminuer le nombre des députés. Excellent, ce projet qui permettra d'arriver à une sorte d'anarchisme pacifique, par la seule vertu de l'abstention. Voilà un bon terrain de propagande : semez l'abstention, peut-être récolterez-vous la liberté ? Rêve ! Sans doute, mais celui-là n'est pas mauvais.

R. de G. Epilogues 1, p. 183.

http://www.remydegourmont.org/de_rg/oeuvres/epilogues/not...

 

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01/06/2009

Bourbaki

bourbaki2.jpg[Novembre 1897].

Bourbaki. — On croit avoir fait l'éloge d'un général par le mot : bravoure. Cela dirait beaucoup pour un soldat, pour un colonel ; cela n'est rien pour un commandant d'armée. La bravoure (mépris du danger) est le mérite des gens qui n'ont pas d'autre mérite ; la plupart des animaux sont braves parce qu'ils sont inintelligents ; les bêtes stupides ne reculent jamais ; les bêtes frottées à l'homme cèdent et fuient dès qu'elles sentent leur infériorité. L'homme moyen d'aujourd'hui, et même le plus humble, a trop de nervosité pour être naturellement brave ; alors, le sentiment surmonté, la bravoure lui sera un mérite. Mais le général en chef a un autre devoir : l'intelligence, — et, ici, précisée : le coup d'œil, la décision, l'autorité. Bourbaki, brave colonel, fut un général misérable, comme tous ses contemporains. Faut-il dire : puisqu'il fut battu ? Presque, car la seule utilité sociale d'un général est d'être vainqueur. Les Romains, durs et logiques, dégradaient le général vaincu ; les Hollandais pendirent un amiral qui s'était laissé battre. Bourbaki, d'ailleurs, essaya de se tuer. L'intention était bonne — quoiqu'il eût mieux fait de tuer ses adversaires. On a vraiment abusé du noble gloria victis, de cette parole suprême qu'on n'a peut-être pas eu le droit de prononcer plus de trois ou quatre fois depuis le commencement de l'histoire. Proférée à propos des défaites de 1870, elle signifie simplement : gloire à l'incapacité.

Qui fera l'anthologie des sottises proférées sur ce sujet, depuis plus de vingt-cinq ans ? A quelles niaiseries, à quelles pauvretés verrait-on alors toujours accolée l'idée de patrie ! Il est incompréhensible que ce mot ne puisse jamais s'avancer seul, dans sa nudité significative. Je lisais hier : « En dehors de l'église, l'armée est le seul endroit où l'on parle encore de ces choses démodées qu'on appelle le dévouement, le désintéressement, l'abnégation, l'esprit de subordination et de sacrifice, où l'on apprend à un misérable, qui n'a souvent ni feu ni lieu, qu'il doit se faire tuer pour ceux qui possèdent, dans une soumission sublime à l'entité idéale intangible, qu'il ne comprend pas et qui s'appelle : patrie. » Cynisme ? Non. L'auteur de ces lignes est un publiciste catholique, honorable, estimé, M. A. de Ganniers, et l'opinion qu'il expose est très répandue. La phrase est anthologique ; j'espère qu'elle sera recueillie par les journaux populaires.

R. de G., Epilogues 1, pp. 172-174.

http://www.remydegourmont.org/de_rg/oeuvres/epilogues/tex...

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11/04/2009

Benoit XVI est réaliste

261007_benoit_xvi_big.jpgLe discours de Benoît XVI sur le préservatif est tout simplement réaliste

LE MONDE | 10.04.09 | 14h02  •  Mis à jour le 10.04.09 | 16h36

A la lecture de votre lettre adressée à Benoît XVI, dans Le Monde du 25 mars, nous nous demandons s'il est encore possible de réfléchir sur le sens de la sexualité humaine, des comportements et des modèles sexuels qu'une société génère, sans être aussitôt sommé de se taire, au nom d'une vision purement technologique en la matière et qui, au reste, ne prend pas en compte toutes les études épidémiologiques.

Aujourd'hui, un groupe de mots prononcés par Benoît XVI est retenu et discuté dans les médias : "(...) cela risque d'augmenter le problème." Il ne s'agit pas pour le pape d'examiner les éventuelles défaillances de l'objet prophylactique suite à des ruptures ou dérobades, ni d'évoquer sa résistance et l'hypothèse de sa porosité.

Le problème ne porte pas sur cet aspect, que doivent continuer de traiter les laboratoires de fabrication et les médecins. Le préservatif est bien la technologie la plus efficace. Mais il n'est pas la mesure préventive la plus efficace. En effet, dans de nombreux pays d'Afrique, la proportion des personnes porteuses du virus est trop élevée pour que l'épidémie soit freinée par le préservatif seul.

Bien des épidémiologistes travaillant dans le domaine de la lutte contre l'épidémie du VIH en Afrique s'étonnent du manque d'information que révèlent les prises de positions contre la déclaration du pape. Par exemple, Edward Green, directeur du Aids Prevention Research Project (APRP) de l'université de Harvard, lors d'une interview dit, en parlant de l'Afrique : "Théoriquement, le préservatif devrait marcher, et théoriquement, une utilisation du préservatif devrait conduire à de meilleurs résultats que pas d'utilisation. Mais cela, c'est théorique... Nous ne trouvons pas d'association entre une utilisation plus fréquente du préservatif et une réduction des taux de contamination par le VIH" ("Harvard Researcher Agrees with Pope on Condoms in Africa", Catholic News Agency, mars 2009).

Il n'y a aucun pays avec une épidémie généralisée qui ait réussi à baisser la proportion de la population infectée par le VIH grâce aux campagnes centrées sur l'utilisation du seul préservatif. Les cas de baisse de la transmission du VIH publiés dans la littérature scientifique sont associés à la mise en oeuvre de "l'abstinence" et de "la fidélité" en plus des préservatifs dans la triade ABC, abstinence (A), fidélité (B, pour Be faithful - sois fidèle) et utilisation de préservatifs (C, pour condom).

En d'autres termes, seuls les programmes qui ont sérieusement recommandé le retard de l'activité sexuelle des jeunes et la monogamie mutuelle (ce que les chrétiens appellent la fidélité) ont été couronnés de succès. C'est ce qu'a illustré la fameuse étude portant sur l'Ouganda ("Population-Level HIV Declines and Behavioral Risk Avoidance in Uganda", Rand L. Stoneburner et Daniel Low-Beer, Science, 30 avril 2004 ; "Reassessing HIV Prevention", M. Potts, D. Halperin et al. Science, 9 mai 2008).

Les seuls pays qui ont réussi à baisser la prévalence sont ceux qui ont introduit A et B dans tous les secteurs de la société, l'école, l'entreprise, l'université, les médias, les églises ("The Time Has Come for Common Ground on Preventing Sexual Transmission of HIV", D. Halperin, M.J. Steiner, M.M. Cassell, E.C. Green, N. Hearst, D. Kirby, H.D. Gayle, W. Cates, Lancet, novembre-décembre 2004).

L'Eglise catholique propose A et B depuis toujours. Les spécialistes de l'épidémiologie soulignent que l'abstinence et la fidélité ont jusqu'à ce jour évité 6 millions de morts en Afrique.

Le pape fait remarquer que "nous risquons d'aggraver le problème" du sida si les programmes de prévention s'appuient seulement sur les préservatifs. Ceci aussi est l'état des connaissances en matière de santé publique et d'épidémiologie. Les programmes de prévention centrés sur le préservatif donnent un message inadapté à la population en général et en particulier aux jeunes. Ils véhiculent le message : "Tout ce que vous faites avec le sexe est en toute sécurité, sans risque, tant que vous utilisez des préservatifs."

Ce qui est faux. En effet, ce type de campagne mène généralement à un phénomène de compensation des risques. Si les gens se sentent en sécurité à 100 % aussi longtemps qu'ils utilisent des préservatifs, ils ont tendance à prendre plus de risques. Par exemple, les jeunes qui ne sont pas encore engagés dans des rapports sexuels commencent à le faire, ou ceux qui ont des rapports sexuels, commencent à avoir plus de partenaires - exactement ce dont le VIH a besoin pour se propager.

Ce phénomène de compensation des risques a été largement décrit dans la littérature scientifique. Des études ont notamment été conduites sur des échantillons représentatifs de la jeunesse aux Philippines, au Salvador, ou encore en Espagne. Dans chacun de ces cas, les jeunes qui croient que les préservatifs sont efficaces à 100 % ont tendance à avoir des rapports sexuels plus tôt, un phénomène de compensation des risques classique.

Le discours du pape est réaliste et juste : il nous interroge sur une vision de la prévention limitée au seul préservatif. Il adopte un point de vue anthropologique et moral, compréhensible par tous, pour critiquer une orientation uniquement technologique qui, à elle seule, n'est pas en mesure de juguler la pandémie, comme l'a noté aussi en son temps l'ONU. En l'espace de vingt-cinq ans, ces campagnes centrées sur le préservatif n'ont pas réussi à la réduire. Le discours exclusivement technologique se comprend si l'on choisit de refuser l'abstinence et la fidélité.

Cependant, une autre approche doit également être proposée, qui fait davantage appel au sens de la conscience humaine et de la responsabilité ; en réalité il s'agit d'une démarche pédagogique concernant le sens des comportements sexuels. Mais cette perspective, on s'en aperçoit, est difficilement entendue actuellement dans le discours social collé à une pensée pragmatique. Le préservatif est devenu une sorte de tabou incritiquable, un fétiche, qui devrait, curieusement, participer à la définition de la sexualité. N'est-ce pas une façon cynique de masquer des interrogations ? Faut-il en venir à l'idée que le préservatif protège de tout même de la pensée ?

Réfléchir sur les comportements sexuels devient à ce point douloureux que cela provoque l'ire de nombreux militants et idéologues en la matière. En ce sens, les propos du pape ne sont pas "régressifs" ; au contraire ils nous sortent de la régression et nous invitent à nous confronter aux faits et aux enjeux.

Le pape, lui, parle des hommes et de leur vie. Ce que les médias européens taisent, les Africains ont su l'entendre lors de son voyage. Les Africains dénoncent la partialité des médias occidentaux en affirmant qu'une fois de plus on leur vole leur histoire, leurs ressources et leur vie, en les envahissant avec une idéologie comportementale qui bouleverse leurs cultures.

Ce sont des attitudes morales qui humanisent l'expression sexuelle. Le préservatif, comme moyen de prévention dans la lutte contre le sida, n'est ni un principe de vie, ni une façon de personnaliser et d'humaniser la sexualité, ni même la seule finalité de la prévention. Quand une démarche d'éducation au sens de la responsabilité, au sens de la sexualité vécue dans le respect de soi et de l'autre et au sens de l'engagement et de la fidélité n'est pas présentée. L'excès de dérégulation financière nous conduit à une impasse. Que résultera-t-il d'un abandon des références morales de la sexualité ?

Tony Anatrella, psychanalyste, spécialiste en psychiatrie sociale et consulteur du conseil pontifical pour la santé ;

Michele Barbato, gynéco-obstétricien de Milan, président de l'Institut européen d'éducation familiale ;

Jokin de Irala, médecin épidémiologiste, docteur de l'université du Massachusetts, coauteur du livre "Avoiding Risk, Affirming Life", à paraître aux Etats-Unis, directeur adjoint du département de médecine préventive et de santé publique à l'université de Navarre, Espagne ;

René Ecochard, professeur de médecine, épidémiologiste, chef de service de biostatistique du CHU de Lyon ;

Dany Sauvage, présidente de la Fédération africaine d'action familiale.

 

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20/03/2009

Et préserve-nous du mal

Pas de doute. Cet homme-là, c’est Satan ou l’Antéchrist. S’il ouvre la bouche, ce ne sont pas des mots qui sortent de ses lèvres, mais l’odieux son des trompettes du Jugement. Il répaBenoitXVINoel.jpgnd plus de plaies que l’Egypte ne pourra jamais en compter, a un petit faible pour les négationnistes et les violeurs de fillettes (surtout quand ils sont brésiliens) et, comble de l’horreur, prescrit au monde entier de choper le sida en baisant sans capote.

Une chose est sûre : avec le départ de George Bush de la Maison Blanche, la planète médiatique avait perdu son grand méchant loup. Elle vient de s’en fabriquer un à sa mesure : Benoît XVI est désormais l’ennemi mondial numéro un. Qu’il dise un mot ou reste coi, il est devenu le salaud de prédilection de notre temps. Et c’est bien parti pour que cet état ne prenne fin qu’avec son pontificat.

Avouons que, pour le rôle du grand méchant loup, c’est un bon client. Il est allemand, c’est-à-dire très bon pour les machines-outils, cancre pour les relations publiques ; il est catholique, chose détestable dans un monde où existent des religions un peu plus conformes à l’idée de coolitude (droit-de-l’hommisme, écologie, obamisme, etc.) ; il essaie de faire des phrases et de conduire des raisonnements, en un temps où l’auditeur lambda décroche dès le premier mot prononcé.

L’affaire de la capote africaine – sale coup porté aux Anglais – illustre parfaitement ce déphasage entre le Souverain Pontife et la sphère médiatique. L’ensemble de notre presse et de notre personnel politique pousse depuis mercredi des cris d’orfraie et condamne unanimement celui qui prétend que “l’utilisation du préservatif aggrave le problème du sida”. Ce matin, Pierre Bergé invitait sans rire les catholiques à “changer de religion” – sans toutefois leur promettre un abonnement gratuit à Têtu, la philanthropie a ses limites. A midi, sur France Inter, Stéphane Bern, tout en nuances, qualifiait les propos papaux de “génocidaires”. A ce rythme, Josef Ratzinger devrait être déféré ce soir devant le TPI et exécuté demain à l’aube. Il n’est pas même jusqu’à Alain Juppé qui n’ait brandi son pavois de haute moralité parmi tous les boucliers levés, pour dénoncer la fâcheuse manie de ce pape à vouloir rester droit dans ses bottes. Encore un effort participatif, Citoyens, et il se trouvera bien quelqu’un pour accuser Benoît XVI d’être un nouveau Guillaume Dustan et de prôner le barebacking dans les caves du Vatican où demeure encore vivace le souvenir de Rodrigue Borgia, un temps taulier sous le nom d’Alexandre VI.

On a même vu s’exprimer – la chose ne s’était guère produite depuis Jules Ferry et son discours sur l’homme blanc – un racisme bienpensant : les Africains sont des êtres tellement serfs et dénués de raison que, le saviez-vous, ils suivent à la lettre tout ce que dit le pape. Et Daniel Cohn-Bendit, parmi cent autres bonnes âmes, d’accuser Ratzinger de “meurtre prémédité”. Décryptage : le pape dit qu’il ne faut pas mettre de capote ; donc Banania, il nique sans, chope le sida et finit par crever dans sa case. Les nègres, faut leur parler comme à des enfants. C’est plus du tiers-mondisme, c’est Tintin au Congo réinventé.

Au fait, outrecuidante question, qu’a-t-il dit mardi dernier, le pape, dans l’avion qui le menait à Yaoundé ? Il répondait à la question d’un journaliste sur la position des catholiques face au sida. Benoît XVI a expliqué dans un premier temps que l’Eglise est présente au jour le jour aux côtés des malades : plus de 25 % des séropositifs dans le monde sont pris en charge par des institutions catholiques (hôpitaux, dispensaires, communautés). Puis il a enchaîné sur la phrase qui prétendument tue : “Je dirais qu’on ne peut pas résoudre le problème du sida avec l’argent, même s’il est nécessaire. On ne peut pas résoudre le problème du sida avec la distribution de préservatifs ; au contraire elle aggrave le problème. La solution est double : d’abord, une humanisation de la sexualité, un renouveau spirituel, humain, intérieur, qui permet ainsi de se comporter différemment avec les autres. Et deuxièmement, une amitié, une disponibilité pour les personnes qui souffrent.” Dans la version publiée sur le site du Vatican, les propos ont un brin changé : “l’argent” est remplacé par “des slogans publicitaires” et “elle aggrave le problème” par “le risque est d’augmenter le problème”.

Nulle part, le pape ne dit qu’il ne faut pas utiliser de capotes. Nulle part, il n’en condamne l’usage. Il dit simplement qu’on ne peut pas se contenter de cette solution et qu’en distribuant à l’Afrique des préservatifs on se donne certainement bonne conscience, mais on ne règle rien du tout. Et quand on ne règle pas un problème, on l’aggrave… Le continent africain, ce n’est pas le Marais. Il ne suffit pas de négocier un prix de gros à la société Durex pour faire de la distribution gratuite, de demander à Line Renaud de tourner un spot télé ni d’arborer une fois l’an un petit ruban rouge à sa boutonnière. Si d’ailleurs la question du préservatif pouvait tout régler, il serait criminel que la communauté internationale ne se mobilise pas pour envoyer au quasi milliard d’Africains de quoi se protéger… L’enjeu est bien d’une toute autre nature.

Le premier problème, c’est l’ampleur du désastre : en 2007, 22 millions de personnes étaient infectées sur le continent africain selon Onusida. C’est la première cause de mortalité et la maladie y est, plus que partout ailleurs, un facteur de mort sociale. Lutter contre l’exclusion et la stigmatisation des malades (en leur offrant “une amitié, une disponibilité”) n’est pas une pontificale lubie : il s’agit de changer les mentalités, de faire admettre que le sida n’est pas la maladie de l’autre, mais un véritable risque qui pèse sur tous. On n’a jamais vu dans l’histoire aucune épidémie reculer grâce à la stigmatisation et à l’exclusion. En ce sens, l’appel que lance le pape à la fraternité envers les malades n’est pas une billevesée ni une niaiserie de catéchisme : c’est une étape prophylactique essentielle.

L’autre grande question, c’est la prévention et l’information des populations. Au Nigeria, au Congo, au Cameroun, les équipes locales ne se contentent pas de distribuer des capotes, elles en expliquent l’usage (qui n’est pas multiple), tentent de lutter contre les préjugés (elle ne rend pas stérile), encouragent le dépistage et promeuvent aussi abstinence et fidélité… N’en déplaise aux bonnes âmes pour lesquelles le noir est doté d’un appétit sexuel à la mesure de son appareil génital, les valeurs morales trouvent un écho souvent favorable chez les chrétiens comme chez les musulmans du continent africain. Pourquoi s’en passerait-on ? On sait en Europe que les prophylaxies efficaces sont celles qui savent s’adapter à chacun des publics qu’elles visent. Or, en Afrique, le mot d’ordre devrait être : fous ta capote et tais-toi ? La prévention n’est pas une chose simple : elle implique de former des équipes locales, d’ouvrir des centres de dépistage, mais surtout de prendre en compte la réalité de l’Afrique contemporaine, bref de ne pas se dédouaner en utilisant le mot “préservatif” comme grigri, mais de mener des actions de fond.

Le troisième problème – et de loin, le plus important –, c’est l’accès aux soins. Autant le dire tout de suite : si vous êtes africain et contractez la maladie, votre chance d’être soigné est proche de zéro. Les antirétroviraux sont excessivement chers et, contrairement à l’Inde, l’Afrique ne dispose d’aucun laboratoire pharmaceutique capable de les produire sous leur forme générique. Elle les importe donc, quand on le lui permet.

Hier justement, les douanes néerlandaises ont saisi à l’aéroport Schiphol d’Amsterdam une cargaison entière d’antirétroviraux à destination du Nigéria, au prétexte que le laboratoire indien les produisant porterait atteinte aux intérêts des laboratoires pharmaceutiques propriétaires du brevet… Business is business. Mais qui s’en soucie, qui va pousser de grands cris, qui va jouer de petits couplets indignés ? Qui va accuser nos amis bataves de se comporter comme des meurtriers en puissance ? Qui va dire fuck une bonne fois pour toutes à ces gens qui préfèrent défendre le droit des brevets que la vie humaine ? Circulez, y a rien à voir. C’est plus vendeur, coco, d’accabler le grand Satan du Vatican que de rentrer dans les détails. D’ailleurs, mardi, à peine était-il descendu de son avion que Benoît XVI a prononcé un discours à Yaoundé : il réclamait la gratuité des soins pour les personnes atteintes du sida, c’est-à-dire l’accès des malades aux antirétroviraux. Ça n’a pas fait une ligne dans les journaux. Pourtant, ça n’aurait arraché la gueule d’aucun de mes honorables confrères si prompts à l’indignation de relayer cette info : un pape qui fait sien l’un des plus anciens combats d’Act up (”Des molécules pour qu’on s’encule”), ça n’est pas tous les jours que ça arrive… Le pape est punk : c’est pas un beau titre, ça ?

Ah non, j’oubliais. La question, on vous l’a dit et répété, c’est la capote ! C’est qu’elle n’est plus, dans nos sociétés occidentales, un simple moyen de prophylaxie. Elle est une religion : les barebackers qui refusent le préservatif dans leurs rapports sexuels sont appelés relaps en français. Ce mot est directement tiré du vocabulaire religieux de la pire espèce, celui de l’Inquisition : est relaps qui est retombé dans l’hérésie après l’avoir abjurée. On ne fait pas grief au relaps de sa sexualité effrénée, on lui reproche simplement d’avoir déserté la clientèle de Durex ou Mannix. Puisque la seule question qui vaille est la capote, le jour viendra où, dans des affaires de viol en réunion, le port du préservatif jouera comme une circonstance atténuante. Pourrait-on s’interroger, ne serait-ce qu’un moment, sur cette société où la règle consiste à tout consommer, même les corps ?

Bien entendu que non. Chacun est invité à adopter la pornonomie comme seule moralité. Et le temps viendra où un pape agira, depuis le balcon de Saint-Pierre, comme le premier prof de sciences nat’ venu. Il sortira un vague godemiché et déroulera un bout de plastique tout le long du fac-similé turgescent. Il aura, faute d’habitude, l’air un peu emprunté. Mais il s’y fera. Et il conviera peut-être, dans un lumineux élan, le monde entier à un orgasme multiple, participatif et protégé. Le monde entier, sauf l’Afrique, car elle aura crevé, elle, après avoir eu le droit de tout consommer, sexe et capotes, indignations et beaux discours. Elle aura eu le droit de tout consommer, sauf les trithérapies. Désolé, homme noir, toi pas avoir assez argent.

http://www.causeur.fr/

Et préserve-nous du mal

Le monde s’est inventé un nouveau grand Satan tout blanc

François Miclo

20.03.09

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15/03/2009

Le système bancaire américain est insolvable

Article qui dresse un bilan synthétique de la situation économique mondiale... et elle n'est pas fameuse. Par l'un des analystes économiques actuellement les plus en vu sur la place. Rien à voir donc avec un quelconque hurluberlu expert en apocalypse.

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17/02/2009

La bombe démographique n'est pas désamorcée

 

ArcticaeNoctes.jpgA l'occasion d'une annonce récente concernant la démographie française - dont la bonne tenue serait une surprise dans une Europe en voie de dépeuplement - fleurissent aujourd'hui nombre d'articles (contestables à notre goût) expliquant que l'espèce humaine n'est pas trop nombreuse...

On peut se féliciter de voir la France, seul pays en Europe, assurer le renouvellement de sa population avec un taux de deux naissances par femme. Ceci, soit dit en passant, est sans doute moins lié à l'immigration de familles très prolifiques qu'aux aides sociales à la mère au travail, seules capables de permettre aux femmes de poursuivre une vie professionnelle sans sacrifier leurs désirs de maternité. Il est certain que si les autres pays européens ne peuvent suivre cet exemple, c'est-à-dire s'ils ne peuvent assurer sans une forte immigration le renouvellement de leur population, ils ne devront pas se plaindre ensuite d'être, selon l'expression des mouvements populistes, «envahis» par le reste du monde. L'Europe ne pourrait en aucun cas demeurer sous-peuplée dans un monde surpeuplé.

Mais à l'occasion de cette annonce concernant la démographie française, fleurissent désormais des articles très contestables voulant nous expliquer que l'espèce humaine n'est pas trop nombreuse. Le thème général en est que, selon certaines études démographiques, de nombreux pays dotés jusqu'à ces dernières années d'une forte natalité sont en train d'atteindre le seuil de la transition démographique, où le taux de reproduction pourrait se stabiliser autour de 2 à 2,5 enfants par femme. Ceci en particulier grâce aux politiques de contrôle des naissances et à l'élévation du niveau de vie économique, politique et culturel des femmes. Ces dernières, même au sein de sociétés très rigoristes, voudraient désormais s'affranchir des anciennes servitudes.

Selon ces articles, il faudrait en déduire que nous ne sommes plus menacés par la Bombe P(1) de Paul Erlich (1971). La Bombe démographique serait désamorcée. Aux rythmes d'accroissement prévus, la population mondiale devrait plafonner aux alentours de 10 milliards d'habitants au milieu du siècle. Grâce à de nouvelles techniques productives, la Terre pourra parfaitement alors nourrir de tels effectifs.

Nous pensons que cet optimisme est mal fondé. D'une part, des pays très peuplés ont encore plusieurs enfants par femme. C'est le cas de beaucoup de pays africains, asiatiques et latino-américains. Concernant l'Inde, même si la natalité y baissait, elle resterait encore plus forte que celle de la Chine, présentée à juste titre comme en passe de réussir sa transition démographique. Par ailleurs, les prévisions de baisse de natalité restent des prévisions, à la merci de nombreux événements encore imprévisibles. Si elles se révélaient trop optimistes, même de quelques décimales, ce seraient 3 ou 4 milliards d'humains supplémentaires qu'il faudra prendre en compte.

D'autre part et surtout, prétendre que le progrès technique permettra de nourrir 10 milliards d'hommes à horizon de 50 ans reste très théorique. La crise démographique se conjugue avec la crise environnementale et la crise alimentaire. S'y ajoutera une crise sociale déjà bien installée. Autrement dit, à supposer que des technologies compatibles avec les capacités d'endurance des écosystèmes voient le jour – ce qui n'est pas le cas aujourd'hui – il faudra de toutes façons partager les ressources, c'est-à-dire aligner les niveaux de vie des riches sur ceux des plus pauvres. Les hommes étant ce qu'ils sont, on ne voit pas comment les titulaires actuels de niveaux de vie moyens ou supérieurs accepteraient de les réduire. Ils ne le feront que contraints et forcés, à la suite de crises généralisées ou de guerres.

Qu'en conclure ?

Il serait illusoire de prétendre diminuer encore les taux de natalité. Il s'agit de phénomènes largement inconscients qui échappent, surtout lorsqu'ils concernent les populations pauvres, à toute rationalité volontariste. Par ailleurs, de quel droit le faire, à supposer que cela soit possible ? Les bonnes âmes prendront la parole pour demander pourquoi les riches interdiraient-ils aux pauvres d'avoir plusieurs enfants par couple, s'il s'agit pour eux du seul luxe accessible.

Il est par ailleurs illusoire, comme nous venons de le rappeler, de compter sur les progrès techniques pour combler les vides entre les demandes en hausse et les ressources en baisse. On peut et on doit militer, dans les pays prospères, pour une décroissance des consommations non vitales, mais celle-ci restera marginale. Quant à mettre le monde entier à la diète, c'est un vœu pieu. Les experts peuvent se tromper, dans ces divers domaines, mais se faire des illusions représente la pire erreur qui soit.

Il n'est donc pas scandaleusement malthusien de penser que l'humanité constitue bien une espèce prédatrice et destructrice Après avoir épuisé les écosystèmes, elle se retournera contre elle-même en générant des processus d'effondrement aussi divers qu'efficaces. Nous sommes sans doute là en face de mécanismes globaux échappant à toute prescription scientifique, l'un de ceux dont nous avons dit par ailleurs qu'ils résistent à nos capacités de modélisation globale. On a reproché à Claude Lévi-Strauss de le dire, voyant dans ce propos une idée fixe de centenaire à bout de foi en l'avenir et en l' «Homme», le sacro-saint «Homme». Mais pourquoi les centenaires ne seraient ils pas plus clairvoyants que les jeunes ?

(1) "P" pour "Population : (La bombe P, Paul Erlich, édition Fayard, 1971). 

Dans cet ouvrage, l'auteur dénonçait "la prolifération humaine"assimilée à un "cancer" : "Trop de voitures, trop d’usines, trop de détergents, trop de pesticides", […] trop d’oxyde de carbone. La cause en est toujours la même : trop de monde sur la Terre"...

Jean-Paul Baquiast

 

 

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16/02/2009

Le Joseph de de Maistre de Philippe Sollers

JMaistre2.JPGJoseph de Maistre est traité comme un paria de la littérature. Mais l’écrivain Philippe Sollers replace le divin maudit au panthéon du monde des lettres et nous incite à le lire.

 

Il fait partie du patrimoine savoyard. Avec son frère Xavier, il a d’ailleurs été statufié devant le château de Chambéry. Mais qui sait ce qu’écrivait Joseph de Maistre ? Assurément pas grand monde. Il a portant inspiré des auteurs illustres tels que Baudelaire, Cioran, André Breton ou René Guénon. Et en 2007, Philippe Sollers consacre le premier article du numéro 100 de sa revue littéraire L’Infini à un éloge de celui qu’il présenta comme l’écrivain le plus maudit qui soit. C’est que le comte de Maistre, pour qui la Révolution française ne fut rien de moins que l’œuvre du Malin, est perçu comme un affreux réactionnaire. Selon Sollers, acteur majeur de l’avant-garde littéraire française des cinquante dernières années, Joseph de Maistre est en fait celui qui peut le mieux nous permettre d’appréhender en toute connaissance de cause les problématiques religieuses qui enflamment la planète aujourd’hui. Alors comme il l’a fait avec succès pour le sulfureux marquis de Sade, Sollers travaille à la réhabilitation de l’écrivain savoisien qu’il estime être l’un des plus grands auteurs de la langue française. La tâche est difficile, même pour un homme que l’on dit très influent dans le milieu littéraire parisien. Car Maistre est désormais encore plus tabou que Sade et, malgré une réédition récente rassemblant nombre de ses œuvres, certains de ses livres majeurs restent quasi introuvables. Philippe Sollers est donc dans la Voix des Allobroges pour vous en parler.

 

Philippe Sollers, que vous inspire le fait que, alors qu’une statue des frères de Maistre se trouve devant le château à Chambéry, l’œuvre de Joseph soit très largement méconnue sur sa terre savoyarde ?

 

Ah ! La Troisième République… L’ignorance organisée qui débouche sur la dévastation. Mais Joseph de Maistre n’est pas méconnu seulement sur sa terre savoyarde. C’est la même chose en France. Et si j’observe que faire une statue avec les frères de Maistre est une initiative très charmante, l’un est quand même extraordinairement important, tandis que l’autre est notable. Les mettre ensemble, c’est déjà atténuer la portée extrêmement vaste et profonde de Joseph. Alors pourquoi est-il méconnu et même maudit ? À cause de l’enseignement falsifié de l’histoire de France depuis au moins la Révolution.

 

On dit d’ailleurs de Joseph de Maistre que c’est un écrivain français, alors qu’il n’a jamais été français…

 

Il n’a jamais été de nationalité française, mais on est l’écrivain de la langue qu’on écrit, surtout lorsqu’elle est si bien écrite. Et puis il s’est quand même occupé de questions qui touchent de très près à l’identité française. Donc c’est un très grand écrivain français dont le travail le plus impressionnant porte sur l’histoire des religions, à l’intérieur même du christianisme.

 

Il propose aussi un regard sur une période historique particulièrement mouvementée…

 

Oui, car il a d’abord vécu le choc de la Révolution française. Il faut lire ce qu’il en dit, notamment sur son caractère satanique, un mot très fort. Il est ensuite devenu ambassadeur du royaume de Sardaigne en Russie, dans le cadre d’une carrière diplomatique tout à fait intéressante, en menant en même temps des activités occultes évidentes, puisqu’il était franc-maçon, ce qui le caractérise encore mieux dans la connaissance de l’envers de l’histoire. C’est un personnage prodigieux dont la vie romanesque est extrême. Et ses livres sont absolument capitaux pour étudier l’histoire.

 

Comment l’avez-vous découvert ?

 

Il traînait dans la bibliothèque familiale deux volumes d’une ancienne édition des Soirées de Saint-Pétersbourg. J’ai pris le livre, je l’ai ouvert et j’ai trouvé ça éblouissant. D’accord, pas d’accord, ce n’est pas le problème. Le style vous emporte immédiatement. Depuis, j’y reviens toujours, tout simplement pour approfondir les connaissances sur l’analyse religieuse, car c’est nécessaire pour savoir ce qui s’est passé, d’autant que l’Église catholique est difficile à comprendre. Et Maistre montre par exemple très bien, dans De l’Église gallicane, quand s’est produite la rupture entre le catholicisme romain et un catholicisme français devenu très exsangue, tout à fait lamentable, si l’on peut dire. C’était sous Louis XIV. Mais, aujourd’hui encore, les querelles de religion sont absolument centrales. Elles prennent même depuis trente ans de plus en plus d’importance.

 

La lecture de Maistre permet-elle de comprendre quelque chose aux problèmes de religion actuels ?

 

Oui, car c’est l’auteur cardinal sur ces sujets. Il y a très longtemps qu’il a écrit, mais c’est véritablement prophétique et d’une profondeur tout à fait géniale.

 

Il met en avant le rôle central de la providence, qui est l’origine de véritables punitions divines dont la Révolution française serait une illustration éclatante…

 

Il pense même à une chose extraordinairement étonnante. C’est que, après le péché originel, il y a eu inculpation en masse de l’humanité. Donc il y a des passages fantastiques où l’ange de l’extermination tourne autour de la planète et frappe tantôt une nation, tantôt une autre, selon ses péchés. D’après Maistre, la France a été sanctionnée pour ses mauvaises conduites dans ses relations avec Rome. On n’est pas obligé de penser comme lui, mais c’est prodigieusement inspiré. Et ce qui m’intéresse, c’est la vision. Elle est d’une intense poésie, très profonde philosophiquement et d’une érudition historique absolument sans faille.

 

Vous dites que, pour lui, il y a Rome, rien que Rome. En même temps, dans Les Soirées de Saint-Pétersbourg, il écrit que toutes les traditions sont vraies, qu’il suffit de les nettoyer et de les remettre à leur place pour les voir briller dans toute leur cohérence…

 

Oui, à Rome. Tout cela converge vers un panthéon qui est Saint-Pierre de Rome. Pour Maistre, c’est la papauté, indubitablement, qui relie. La synthèse universelle, si vous voulez, est catholique. Que soyez juif, musulman, bouddhiste, si vous creusez à fond, tous les chemins mènent à Rome.

 

Dans Les Soirées, il est aussi dit que des oracles annoncent que les temps sont arrivés, en faisant allusion à l’Apocalypse de saint Jean, mais aussi à la Révolution française qui aurait mis en mouvement le grand événement. Doit-on voir dans cette révolution le début d’une période apocalyptique dont notre époque contemporaine pourrait marquer la fin ?

 

La pensée apocalyptique a toujours été là. Mais on peut lire dans un texte de Maistre inspiré de Plutarque que les délais de la justice divine peuvent prendre un temps considérable. Alors bien sûr, dans un monde où l’on ne voit pas plus loin que le bout de son pouvoir d’achat remis en question, c’est très difficile d’évoquer des questions historiques larges. Et comme toute tyrannie, celle du marché, qui n’est que le prolongement de la souveraineté de la technique, évacue la culture historique. Celui qui vient d’arriver et qui règne ne souhaite pas que l’on sache ce qui s’est passé avant lui.

 

On peut quand même lire Maistre en se disant : il écrivait au début de ce grand événement, on est toujours dedans…

 

Oui, et c’est brûlant, car on assiste à des phénomènes d’une ampleur inimaginable il y a trente ou quarante ans. Qui pouvait alors se douter qu’on aurait un islamisme si enflammé ? Ceux qui savent que de vieilles histoires peuvent revenir avec plus ou moins de violence. C’est pour ça qu’il faut lire Maistre, qui a écrit dans des situations d’intense catastrophe pour lui-même, car il a eu une vie très difficile.

 

Aujourd’hui, quels sont les retours quand vous publiez un éloge de Maistre ?

 

Des lettres d’insultes.

 

De qui ?

 

Je ne sais pas… Il y a encore eu dernièrement un article dans L’Humanité, car il ne faut pas parler de Maistre. Mais cela prouve un refoulement tellement à vif. On a l’impression d’avoir affaire à un vrai cléricalisme. En fait, je reçois des lettres d’insultes de dévots de la religion républicaine jacobine. Et si je fais l’éloge de la Gironde, je vais recevoir aussi des lettres m’avertissant que ce n’est pas bien.

 

En même temps, vous constatez que les catholiques ne veulent pas non plus entendre parler de Joseph de Maistre. Pourquoi ?

 

Les catholiques ne veulent pas être catholiques. Ils font du bricolage, mais ne savent rien. L’ignorance sur les questions religieuses est quasiment totale. Je passe mon temps à voir des gens qui ne savent pas ce que c’est. Alors, ils voient à peu près les fêtes, encore que savoir ce qu’est l’Ascension, l’Assomption, la Pentecôte… Ils ne peuvent même pas écouter une messe, car ils ne savent pas de quoi ça parle. Ils sont donc extérieurs à la culture occidentale.

 

Le fait que Maistre touche au domaine de l’ésotérisme peut-il contribuer à faire peur, notamment chez les catholiques qui ne mettent pas cet aspect de la religion en avant ?

 

Mais ils ne savent rien de leur propre religion, donc on ne va pas leur demander en plus de s’intéresser à l’ésotérisme. Et ceux qui s’intéressent uniquement à l’ésotérisme ne savent rien non plus de catholicisme. Mais pourquoi rester coupé de quoi que ce soit ? Maistre, lui, ne se prive de rien. Il est évident qu’il est bourré de pensées ésotériques, mais, ce qui est fabuleux, c’est qu’il n’en reste pas là. Il entre résolument dans l’histoire et y voit l’irruption de quelque chose qui s’appelle la Bible, qui s’appelle ensuite la Révolution et ce qui s’ensuit. Une histoire saignante, pour le coup.

 

Et il voit partout la main de Dieu…

 

Oui. Il est celui qui analyse le mieux ce qu’on peut penser de l’histoire dans un terme providentialiste ou selon une volonté cachée à longue échéance à partir de la Révolution française. C’est là que ça se joue. Et, aujourd’hui, Maistre peut être une clef pour comprendre notre époque, donc on a tout intérêt à le lire. Sauf qu’on est sous hypnose et que, dans l’enseignement transmis par l’école, par l’université, par les familles, par la politicaillerie, il ne faut surtout pas aborder la question de la Révolution, car c’est le socle. C’est la fondation.

 

En lisant Joseph de Maistre, les Savoyards pourraient aussi mieux comprendre leur histoire et l’impact qu’a eu la Révolution française sur la Savoie…

 

Mais ils n’en ont pas envie. Ce sont de tranquilles citoyens éternisés dans le calendrier de la Troisième république alors qu’on est au début du XXIe siècle, dans quelque chose qui n’est même pas la Cinquième. Et pour nos élus locaux, c’est encore le XIXe siècle à travers les âges. Avis aux Allobroges !

 

Philippe Sollers

Entretien : Jo Veillard, De Maistre dans le panthéon de Sollers dans La Voix des Allobroges n° 17, Été 2008,

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29/01/2009

Chronique du choc des civilisations

Chauprade.jpgDes attentats du 11 septembre 2001 à l'effondrement brutal des marchés financiers en 2008, l'histoire a connu une accélération foudroyante. Emergence d'une Chine aux ambitions planétaires, expansion de l'islamisme radical, révolte des peuples latino-américains, retour de la puissance russe : nous assistons à la naissance d'un monde multipolaire. Chronique du choc des civilisations propose un décryptage des grands événements géopolitiques récents, en les rapportant à la "longue durée" de l'histoire. A travers un ouvrage illustré de nombreuses photographies souvent très spectaculaires et de cartes explicatives, l'auteur propose une véritable "grille de lecture" du monde actuel et de ses fractures. 

Extraits

Encarts sur Ben Laden :

« (…) En 1996, Ben Laden déclare ouvertement la guerre aux Etats-Unis. Le Soudan, qui essaie de redorer son blason auprès de l’Occident, après avoir livré le terroriste Carlos aux Français, propose aux Américains de leur livrer Ben Laden. Etrangement, et probablement sous l’influence de la CIA, dont les connexions avec l’islamisme radical restent ambiguës et qui n’entend sans doute pas voir la justice américaine s’y intéresser de trop près, Washington décline deux fois de suite l’offre soudanaise ». 

« La puissance financière de Ben Laden, des liens secrets probablement conservés avec quelques membres de sa nombreuse et riche famille et les liens importants de cette dernière avec le complexe pétrolier texan (dont la famille Bush ), ont contribué à alimenter la thèse d’une conjuration islamo-américaine, voire islamo-américano-sioniste après le 11 septembre 2001, thèse fondée sur l’idée de la convergence d’intérêts entre des djihadistes soucieux d’accélérer le réveil du monde islamique, des Américains intéressés par le pétrole irakien, et des Israéliens décidés à bouleverser les frontières du Moyen-Orient » 

Sur le 11-9, plus précisément.

« Pourquoi les attaques du 11 septembre 2001 ont-elles constitué une accélération foudroyante du choc des civilisations ? Parce que le monde s’est divisé entre ceux qui pensent qu’un formidable attentat islamiste a déclenché une guerre contre l’Occident libéral et démocratique, et ceux qui pensent qu’un machiavélique complot américano-israélien a été le point de départ d’une guerre américaine contre le reste du monde. Une hypothèse qui ne manque pas d’arguments, à défaut de forcément convaincre »

« D’abord, les associations des familles de victime qualifient le texte officiel [rapport final de la commission nationale] de « rapport final de l’omission » ».

« Les théories qui remettent en cause la version officielle s’articulent autour de trois sujets distincts : les attentats contre le World Trade Center, l’attentat contre le Pentagone, l’ambiguïté du renseignement israélien ».

WTC : des tours minées ?

« L’incendie (…) ne peut être responsable de l’effondrement de bâtiments aux structures d’acier. Alors que le Meridian Plazza de Philadelphie, en 1991, a brûlé dix-neuf heures sans s’effondrer, les tours Sud et Nord se seraient respectivement écroulées au bout d’une heure et deux heures d’incendie, ceci quand le Scientific American (octobre 2001) affirme que rien n’a jamais été construit d’aussi solide que le WTC. L’incendie n’a pas été si violent que le prétend la Commission d’enquête, puisque, selon la FEMA (…) le kérosène s’est volatilisé dans l’explosion (…) Le test dit de Cardington atteste qu’un immeuble d’acier résiste à des températures très supérieures à celle de la combustion du kérosène. Le Fire Engineering Magazine, référence dans la science du feu, soutient qu’aucun bâtiment d’acier n’a jamais été détruit par le feu et que l’enquête sur le WTC ne fut qu’une « farce grossière » ».

« Plus troublant encore est le mystère du bâtiment 7 (…) brutalement désintégré à 17h30. Le « FEMA’s Report on the collapse » reconnaît prudemment que « les détails sur les incendies du bâtiment 7 et la façon dont ils ont provoqué l’effondrement sont inconnus ». Mystère qui débouche sur l’étrange M. Larry Silverstein, propriétaire du WTC seulement depuis le 24 juillet 2001 et qui s’était employé à remplacer le personnel d’entretien et de sécurité (…) il avait demandé aux pompiers de « tirer » le bâtiment 7 (terme qui désigne une démolition contrôlée) Or, comment les pompiers de New York, lesquels ne disposaient pas des personnels qualifiés dans le domaine de la démolition contrôlée, auraient-ils pu placer en moins de sept heures les explosifs aux bons endroits dans un bâtiment qui, selon la version officielle, brûlait, quand on sait qu’une implosion préparée demande au minimum deux semaines. Le bâtiment 7 n’était-il pas le centre de contrôle qui aurait servi à la démolition de l’ensemble ? Quelques mois plus tôt, le 23e étage avait été rénové dans le but d’en faire un centre de commande des situations d’urgence pour la mairie de New York. Cet étage (…) pouvait résister à des situations exceptionnelles (…) (et) offrait une vue idéale sur l’ensemble des bâtiments du WTC. Dans Painful Questions, Eric Hufschmid note que la trajectoire des deux avions semblait viser le bâtiment 7, comme si celui-ci émettait un signal d’autoguidage ».

« La thèse des explosifs est illustrée par un autre fait : une carte thermique des gravats du WTC fournie par la NASA montre que, cinq jours après les attentats, la température à l’intérieur des sous-sols du bâtiment 7 et de la tour Sud (où la chaleur est restée piégée) était encore supérieure à la température de fusion de l’acier. Seuls des explosifs comme le C4, qui porte la température à plus de 1600 °C peuvent expliquer la fusion des structures des sous-sols des tours ».

« Quant à l’école de pilotage de Venice (Floride), elle est pointée du doigt pour ses liens historiques avec la CIA ».

« Le matin du 11 septembre, plusieurs simulations militaires pouvant servir de couverture aux attaques eurent lieu (sous le contrôle du NORAD, de l’US Air Force et de la CIA) : il s’agissait de Northern Vigilance, exercice annuel de l’Air Force simulant une attaque russe, qui amena à déplacer les chasseurs patrouillant habituellement dans le Nord-Est vers le Canada et l’Alaska, les exercices Vigilant Warrior et Vigilant Guardian, simulant des détournements d’avions et l’injection de faux signaux d’avions sur les radars, et l’opération Northern Guardian, qui aurait affaibli la capacité de réponse de la base aérienne de Langley ».

Le Pentagone

« Les terroristes, qui provoquèrent la mort de plus de 2500 personnes dans le WTC, auraient-ils été assez stupides pour frapper la seule partie vide d’un bâtiment, le Pentagone, où travaillent habituellement 20 000 personnes ? L’aile touchée était en rénovation ; elle devait voir ses murs et fenêtres renforcés face à une attaque d’un missile de croisière ou d’un drone… Pour frapper cette aile en venant de la direction opposée, l’avion (si c’est le vol 11 77) a dû opérer un virage de 270° »

« Lorsque la navette Columbia a explosé à 65 km au-dessus du Texas en 2003, à la vitesse de 19 000 km/h, avec ses sept astronautes, on a retrouvé des lambeaux humains et des débris de l’appareil sur des centaines de kilomètres. Comment expliquer l’absence de débris significatifs et de morceaux de corps dans le cas du vol AA 77 ? (…) Où sont les 60 tonnes des moteurs, du fuselage, des sièges, des bagages et bien sûr des passagers ?. Le drone Global Hawk ressemble à un petit Boeing. Il est silencieux, vole à 18 000 m. d’altitude sans se faire repérer par les radars (les aiguilleurs ne le verraient donc pas venir ; or ils n’ont justement pas vu venir le vol AA 77) et son explosion laisserait, du fait qu’il est composé pour moitié de fibres de carbone et de résine, seulement 2 tonnes de débris. Avec lui, la pelouse du Pentagone ne serait jonchée que de quelques morceaux d’aluminium peu épais, et de fragments de moteur, à l’image de celui que l’on retrouve sur une photo et qui est bien trop petit pour appartenir à un 757.Officiellement, en décembre 2002, l’armée américaine déplorait la perte de deux Global Hawk en opérations, sans que l’on en connaisse la cause (source : Christopher Bolen, reporter)».

Le renseignement israëlien

Le troisième volet de la « théorie du complot s’articule autour des arrestations de citoyens israéliens par le FBI juste après le 11 septembre. Le très officiel mémorandum de la Commission nationale sur les attaques terroristes du 11 septembre (rapport de la Commission du renseignement du Sénat américain), intitulé « La Surveillance israélienne des futurs pirates de l’air et des suspects du FBI dans les attaques du 11 septembre et son échec à donner aux Etats-Unis les avertissements nécessaires : le besoin d’une enquête publique » (publié le 15 septembre 2004), rapporte de nombreux faits qui ne peuvent qu’alimenter la polémique.

Que dit ce rapport du Sénat ? Des groupes israéliens (plus de 125 personnes), sous couvert d’espionnage dans le cadre de la DEA américaine (Drug Enforcement Agency), suivaient sur le sol américain les activités des islamistes. Ces « Israeli DEA Groups » se divisaient en cellules (New Jersey, Hollywood en Floride, etc.), toutes basées à proximité des cellules islamistes. Leurs moyens lourds d’écoute (notamment des communications de mobiles) font croire aux auteurs du rapport qu’ils disposaient très certainement des détails précis de l’opération terroriste en préparation. Le principal groupe israélien jouxtait à Hollywood le centre de commande des opérations terroristes (…) Le matin du 11 septembre, juste après le premier impact sur les tours jumelles, plusieurs membres de la cellule israélienne du New Jersey, écoutés par le FBI, se seraient réjouis au téléphone du succès de l’opération.

Le rapport souligne le décalage entre les avertissements vagues donnés par les Israéliens aux Américains dans la deuxième moitié d’août 2001 et la précision des informations dont disposaient certainement les groupes qui évoluaient sur le territoire américain et « tenaient à la culotte » les groupes islamistes ; il s’interroge sur le rôle de la CIA qui semblait protéger ces groupes israéliens et sur l’ambiguïté de la coopération du « renseignement extérieur » avec le FBI, lequel n’hésita pas à placer plusieurs de ces citoyens israéliens incriminés sur la liste des suspects du 11 septembre, au même titre que les islamistes. Mais ces Israéliens ne resteront pas longtemps aux Etats-Unis. Sans doute du fait des pressions de la CIA et de ses relations avec le Mossad, ils seront expulsés libres, vers Israël et l’on ne parlera plus de l’affaire des espions israéliens du 11 septembre, encore moins en France d’ailleurs qu’aux Etats-Unis (…) A cela s’ajoute l’ensemble des spéculations financières étranges, remarquées par la Commission des opérations de Bourse de New York (…) ».

Opérations sous faux drapeau?

« Si l’on fait la synthèse de ces trois volets, chacun ébranlant fortement la thèse officielle, on voit alors s’esquisser une sorte de complot – pas nécessairement à un niveau gouvernemental ou présidentiel, mais associant obligatoirement des composantes du renseignement américain et (ou) israélien – se superposer au complot islamiste. Une conspiration chargée de réussir un attentat sous « faux drapeau » de façon à justifier des choix politiques américains forts. Al-Qaïda, dont la responsabilité dans le 11 septembre proprement dit n’a jamais vraiment été établie, ne serait dès lors que le réseau exécutant et le responsable visible de cette conspiration. Des avions pilotés à distance auraient été téléguidés sur des tours qui devaient s’effondrer sous l’effet de destructions contrôlées à l’explosif, orchestrées à partir du centre de contrôle du bâtiment 7. Le vol AA 77 aurait atterri sur une base militaire de l’Ohio où il aurait disparu avec ses passagers et il aurait été remplacé par un drone Global Hawk envoyé sur l’aile en réfection du Pentagone (…) »

« Les événements tragiques du 11 septembre auraient alors constitué le premier acte d’une sorte de coup d’Etat invisible limitant les libertés civiles (Patriot Act), et donnant des marges de manœuvre géopolitiques considérables tant à l’Amérique (Asie centrale, Irak, Iran, etc.) qu’à Israël (libéré des contraintes internationales sur la Palestine grâce au spectre du terrorisme international), ainsi que des perspectives économiques nouvelles au complexe militaro-industriel et à l’industrie pétrolière des Etats-Unis ».

« Dans une Amérique hantée par le souvenir de l’assassinat de Kennedy et par les ambiguïtés de l’attaque japonaise de Pearl Harbor, profondément marquée par la culture du complot (ses thrillers multiplient les scénarios de coup d’Etat invisible contre les vieilles libertés américaines), et où la CIA a de lourds antécédents en matière d’opérations sous « faux drapeau », la thèse du complot intérieur est-elle vraiment plus étonnante que la thèse officielle selon laquelle des gens peu expérimentés et non rompus aux techniques du renseignement auraient réussi une opération aussi extraordinaire ? Reste toutefois, pour les tenants de la thèse officielle, l’argument le plus fort : comment une telle conspiration n’a-t-elle pas pu être démasquée dans un pays où tant de contre-pouvoirs peuvent jouer et où tant d’hommes farouchement attachés à leurs libertés sont prêts à se dresser pour « tuer Liberty Valance », pour paraphraser le titre de l’un des plus célèbres westerns de John Ford ? ». 

_______________

*Aymeric Chauprade, né le 13-01-1969, est un politologue renommé, mais de formation de base en Mathématiques. Il est docteur en Sciences politiques, Professeur au Collège Interarmées de Défense et Chercheur à l'Université René Descartes (Paris V). Il est directeur de collections aux Éditions Ellipses et auteur de plusieurs articles spécialisés et livres, dont "Introduction à l'analyse géopolitiques", "Dictionnaire de géopolitique" (en collaboration avec François Thural), etc.

Thèse soutenue en 2001 à la Faculté de droit de Paris V : La géopolitique : genèse d’une science politique , déterminants et modèles explicatifs . Dir. M. Jouve.

 

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22/12/2008

Noël

Verbe égal au Très-Haut, notre unique espérance,
Jour éternel de la terre et des cieux,
De la paisible nuit nous rompons le silence :
Divin sauveur, jette sur nous les yeux.
Répands sur nous le feu de ta grâce puissante ;
Que tout l'enfer fuie au son de ta voix ;
Dissipe ce sommeil d'une âme languissante
Qui la conduit à l'oubli de tes lois!
Ô Christ ! sois favorable à ce peuple fidèle,
Pour te bénir maintenant assemblé ;
Reçois les chants qu'il offre à ta gloire immortelle,
Et de tes dons qu'il retourne comblé.

 

daniel-emilfork.jpg

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15/12/2008

Changement climatique

Quatre vérités dérangeantes

Les scientifiques interrogés par Gwynne Dyer en sont maintenant convaincus. Les objectifs définis par le GIEC sont obsolètes. Le réchauffement est plus rapide que .prévu, mais pire encore, passé un certain point, des boucles de rétroactions vont se déclencher, et le processus échappera à notre contrôle. Si le réchauffement atmosphérique s’emballe, sur terre, la situation deviendra incontrôlable. Les Etats faillis, la famine, les guerres, les exodes massifs vont se multiplier. Dans ces conditions, la mise en œuvre de politiques internationales de réduction des émissions n’aurait plus aucune chance de succès. Combien de temps nous reste-il ? Trop peu pour réduire les émissions avant de dépasser les limites dangereuses. Voilà résumées les conclusions que tire Dyer de la série d’entretiens qu’il vient de réaliser à travers le monde avec des scientifiques, des militaires et des politiques.

Par Gwynne Dyer, Japan Times, 7 décembre 2008

Voilà à peu près deux ans de cela, j’ai pris conscience que les militaires de divers pays avaient commencé à élaborer des scénarios sur les changements climatiques. Des scénarios qui se basaient sur les travaux des scientifiques prévoyant une hausse des températures, la baisse du rendement de l’agriculture et d’autres conséquences, et examinaient leurs implications politique et stratégiques.

Ces scénarios prédisaient la multiplication des États faillis en raison de l’incapacité des gouvernements à nourrir leur population, des vagues de réfugiés climatiques aux frontières des pays plus fortunés, et même des guerres entre pays qui partagent les mêmes cours d’eau.

J’ai alors commencé à interroger tous ceux que je pouvais rencontrer. Non seulement des responsables militaires, mais aussi des scientifiques, des diplomates et des hommes politiques. Dix huit mois plus tard, après environ 70 entretiens, réalisés dans une douzaine de pays, j’en suis arrivé à quatre conclusions que j’étais loin d’anticiper lorsque j’ai entamé ce travail :

• Les scientifiques ont vraiment peur

Les observations au cours des deux ou trois dernières années, leur donnent à penser que tout se déroule beaucoup plus rapidement que ne le prévoyaient leurs modèles climatiques. Mais ils sont face à un dilemme. Au cours de la dernière décennie, ils ont dû lutter contre une campagne fort bien financée qui visait à semer le doute sur la réalité des changements climatiques.

Aujourd’hui, les peuples et leurs gouvernements sont à l’écoute. Même aux États-Unis, le quartier général du déni des changements climatiques, 85% de la population voit cette question comme un problème majeur, et les deux candidats à l’élection présidentielle ont promis durant la campagne des réductions de 80% des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050.

Les scientifiques sont réticents, on le comprend, à annoncer publiquement que leurs prévisions étaient fausses, que la situation est vraiment bien pire et que les objectifs devront être révisés. La plupart d’entre eux attendent de disposer d’une preuve incontestable montrant que le changement climatique intervient plus rapidement que prévu, même si en privé, ils s’affirment convaincus que c’est bien le cas.

De ce fait, les gouvernements, bien qu’ayant enfin pris conscience du danger, continuent de viser des objectifs de réduction des émissions obsolètes. Pour éviter l’emballement du réchauffement de la planète, le véritable objectif requis serait probablement une réduction de 80% des émissions d’ici à 2030, et la quasi disparition de l’usage des combustibles fossiles (charbon, gaz et pétrole) d’ici à 2050.
• Les militaires ont raison

L’alimentation est la question clé, et la situation de l’offre alimentaire mondiale est déjà très tendue. Nous avons consommé environ les deux tiers des réserves mondiales de céréales au cours des cinq dernières années, et ne disposons plus que d’environ 50 jours de stock. Même un seul degré d’augmentation de la température moyenne de la planète se traduirait par une diminution de la production alimentaire dans presque tous les pays qui sont plus proches de l’équateur que des pôles, et qui abritent la quasi-totalité des greniers à blé de la planète.

Pour cette raison, le marché international des céréales va disparaître par manque de marchandises. Les pays qui ne pourront plus nourrir leur population ne seront pas en mesure de se procurer le nécessaire pour se sortir d’affaire en important leurs céréales, même s’ils disposent de l’argent pour ce faire.

Les réfugiés affamés se répandront à travers les frontières, des nations entières vont s’effondrer dans l’anarchie - et certains pays pourraient être tentés de s’accaparer les terres ou l’eau de leurs voisins.

Ce sont là les scénarios que le Pentagone et d’autres états-majors étudient aujourd’hui. Ils pourraient commencer à se concrétiser aussi rapidement que d’ici 15 à 20 ans. Si ce type de désordre se répand, il n’y aura que peu de chances de conclure ou de maintenir des accords mondiaux pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et éviter la poursuite du réchauffement de la planète.

• Il existe un point de non-retour au-delà duquel le réchauffement devient inéluctable

Nous sommes probablement en route pour le dépasser. Ce point de bascule, c’est celui où le réchauffement d’origine anthropique (d’origine humaine) déclenche une libération massive de dioxyde de carbone des océans dont la température s’élève, ou des rejets de dioxyde de carbone et de méthane provoqués par la fonte du pergélisol, ou les deux phénomènes ensemble. La plupart des climatologues pensent que ce point se situe légèrement au dessus des 2° de réchauffement.

Un fois ce point dépassé, l’humanité perdra le contrôle : la réduction de nos émissions pourrait ne pas parvenir à arrêter le réchauffement de la planète. Cependant, nous allons presque certainement outrepasser la date limite. Nous ne pouvons pas retrouver les 10 années qui ont été perdues, et au moment où un nouvel accord remplaçant celui de Kyoto sera négocié et mis en oeuvre, il ne restera probablement pas assez de temps pour arrêter le réchauffement avant d’avoir atteint le point limite à ne pas
franchir.

• Nous devrons tricher

Au cours des deux dernières années, plusieurs scientifiques ont proposé plusieurs techniques de « géo-ingénierie » destinées à combattre la hausse de température. On pourrait par exemple répandre dans la stratosphère une sorte d’écran chimique temporaire de protection solaire par l’ensemencement avec des particules de soufre. Nous pourrions également épaissir artificiellement les nuages maritimes de basse altitude pour qu’ils reflètent plus la lumière du soleil. Ce ne sont pas des solutions permanentes ; tout au plus des moyens de gagner un peu de temps pour réduire nos émissions sans provoquer l’emballement du réchauffement.

La situation devient très grave, et nous allons probablement assister aux premières expérimentations avec ces techniques dans un délai de cinq ans. Il existe une possibilité de trouver l’issue de cette crise, mais elle n’est pas aisée et il n’y a aucune garantie de succès.

Comme le dit l’histoire de l’Irlandais face à un voyageur égaré : Pour aller là, Monsieur, moi je ne serais pas parti d’ici.

Gwynne Dyer est journaliste indépendant et historien, spécialiste des questions militaires.

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16/11/2008

La fabrique de l'homme nouveau

Rapport Bouchard-Taylor : fabriquer l’Homme Nouveau par la dictature de l’harmonie

vendredi 23 mai 2008

Le projet politique contenu dans le rapport Bouchard-Taylor incarne la vision d’un Québec ouvert car insignifiant, d’une société harmonieuse car informe et insipide, d’un citoyen ouvert d’esprit car incapable de juger, et surtout d’un avenir collectif qui en dernière instance ne sera l’avenir de rien ni de personne. Le rapport est juste assez épais, flou, scolastique et blablateur pour nous garantir que demain sera assurément bordélique - Jean-Jacques Tremblay, un jeune québécois lucide

Jean-Jacques Tremblay a accepté l’invitation de Point de BASCULE d’écrire une analyse du rapport Bouchard-Taylor.

 

Rapport Bouchard-Taylor : une brève analyse

La liste d’épicerie

Au menu de l’inénarrable Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles : construction d’une mémoire nationale post-canadienne-française vide et aseptisée, alignement de la production artistique et culturelle sur les intérêts de l’État et de sa nouvelle philosophie pluraliste, endoctrinement de la jeunesse à travers une néo-école transformée en appareil idéologique d’État, formation continue des employés de l’État qui devront ainsi incarner toujours mieux l’avant-garde extrême de la démence, alignement des subventions universitaires en recherche sur le nouveau crédo, financement d’une flotte de groupes communautaires politisés qui jour après jour oeuvreront à voir du racisme et de la discrimination là où il n’y en avait pourtant pas, instauration de la discrimination positive directe et indirecte à tous les niveaux de la société, transformation de la Commission des droits de la personne en un quatrième pouvoir, création d’un mystérieux " organisme de surveillance " des discours, lutte contre le néo-libéralisme et les inégalités économiques, culpabilisation de majorités coupables d’être majoritaires, paternalisme présomptueux, haine de soi, ingénierie sociale et constructivisme désinhibé, congés religieux à la carte, soins de santé sur mesure, juridisation et droit-de-l’homminisation du politique, étatisation du social, divinisation de victimes imaginaires, apologie du consensualisme, montage en épingle de cas humains poignants, jonglages sémantiques, rhétorique bien-pensante, novlangue décomplexée, etc.

Et surtout : le rapport Bouchard-Taylor est juste assez épais, flou, scolastique et blablateur pour nous garantir que l’avenir sera assurément bordélique.

Crise des perceptions

Selon Bouchard et Taylor, tout ne serait qu’une simple " crise des perceptions ". " Autrement dit, la vision négative des accommodements qui s’est propagée dans la population reposait souvent sur une perception erronée ou partielle des pratiques ayant cours sur le terrain. " Le grand responsable de cette perception négative ? " L’emballement médiatique " bien évidemment, ainsi que l’incurie et la naïveté d’une populace probablement composée de ces idiots pas vraiment méchants qui, tout en osant avoir des opinions non prescrites, ne sont même pas des intellectuels.

Fabriquer l’homme nouveau

Fait intéressant à noter : même si la crise n’était qu’une " crise des perceptions ", et même si aucune " donnée ne permet d’affirmer que la discrimination serait plus présente au Québec qu’ailleurs ", eh bien ça ne veut pas dire, pour Bouchard et Taylor, qu’il ne faille pas en profiter pour élaborer de beaux projets de société prométhéens. Nos deux sages sautent donc sur l’occasion, et recommandent ingénument que l’État bouleverse progressivement l’ordre social, qu’il instaure l’utopie et qu’il accouche de l’homme nouveau. Eh oui ! Selon Bouchard & Cie, " il importe donc d’agir en profondeur sur les rapports sociaux, sur les rapports de pouvoir, en conformité avec les exigences de ce que nous avons appelé le pluralisme intégral. " Et tout ça est très assumé : le dernier passage est même en gras dans le rapport.

Pluralisme intégral ? Comme c’est mignon ! L’" individu minoritaire discriminé " remplace ainsi le " prolétariat structurellement floué ", et le " pluralisme intégral " se dévoile soudainement comme une nouvelle promesse de lendemains qui chantent, comme une nouvelle utopie qui, bien évidemment, requerra pour sa réalisation le financement d’une immense avant-garde éclairée destinée à prêcher la bonne parole et à décréter les bons règlements depuis des niches institutionnelles, communautaires et académiques aussi grasses que blindées. Et évidemment, Bouchard et Taylor soutiennent textuellement qu’on ne sait pas vraiment en quoi consiste l’" interculturalisme ", prouvant ainsi que ce n’est qu’un simple prétexte à la tentative de concrétiser à large échelle des fantasmes intellectuels en dernière instance aussi vides qu’éthérés.

En perspective : des lois, des lois et encore des lois, le tout parallèlement à l’étatisation bien-pensante de la totalité du champ sociétal. Selon Bouchard & Taylor, il s’agit entre autres " pour l’État de se soucier de promouvoir des orientations et des politiques équitables, sensibles aux inégalités. Les objectifs de croissance doivent toujours faire place à une sensibilité sociale. L’État dispose aussi de quelques moyens de discipliner les entreprises. " L’éloge bouchardo-taylorien de cette " sensibilité sociale " va jusqu’à faire un baisemain au syndicalisme québécois, qui rappelons-le, est l’un des plus protégés et des plus omniprésents de la planète. Pourquoi le syndicalisme québécois doit-il être maintenu et encouragé ? Eh bien parce que la notion même de convention collective, en visant " à obtenir les mêmes droits pour tous les membres ", est selon nos deux éminences intrinsèquement antiraciste, ce qui nous amène au plus profond du tréfonds des choses : moins les individus d’une société sont libres de leurs choix et mouvements, moins il y a de discrimination, car moins s’offre à l’individu la possibilité même de " discriminer ".

Dans le rapport Bouchard-Taylor, le concept d’égalité n’est jamais conceptualisé en tant qu’égalité devant la loi, mais plutôt, à la sauce Québec Solidaire, en tant qu’égalité de fait, en tant qu’égalité de niveau de vie, en tant qu’une égalité matérielle devant être proactivement implantée dans le tissu social à l’aide de l’appareil d’État. Pour nous inspirer, ils vantent même les " pratiques de partage " des autochtones ainsi que le supposé " égalitarisme qui imprègne la tradition des Québécois d’origine canadienne-française. " Et vous l’aurez deviné : Bouchard et Taylor adéquatent benoîtement réussite financière et éducation, évacuant l’évidence transhistorique selon laquelle les différences culturelles ont un impact net sur la prospérité et la réussite matérielle, dixit Weber.

En résultante, dans le merveilleux château de sable de Bouchard et Taylor, si un doctorant algérien en écologie n’obtient pas son 60k avec sécurité d’emploi à vie, c’est qu’il est assurément victime d’une discrimination systémique infernale qui, bien évidemment, se devra d’être réglée à coups de lois, de programmes, de subventions, de crédits d’impôt, de comités plurisectoriels et de discrimination positive multifacette. Cette approche a même déjà un nom : " l’intégration dans l’égalité ". La victime prévisible de tout ce dadaïsme institutionnel : probablement l’homme québécois de souche, ce privilégié qui en plus de battre des records mondiaux côté suicide pourra dorénavant continuer à le faire en sachant que l’échec de sa vie ira enfin dans le sens d’une plus grande harmonie sociale.

La prise en passant : interdire le néo-libéralisme

Ça peut paraître idiot et totalement décontextualisé, mais pourquoi ne pas profiter de la crise des accommodements pour assurer la pérennité du socialisme d’État tout en offrant l’intégralité des pouvoirs décisionnels au judiciaire ? Et effectivement, c’est bien ce que Bouchard et Taylor ont fait à travers cette incroyable recommandation : " Il importerait également que l’État renforce les droits économiques et sociaux déjà garantis par la charte en leur assurant une primauté sur toute législation québécoise au même titre que les droits civils et politiques (articles 1 à 38), ce qui n’est pas le cas présentement. "

Qu’est-ce que tout ça veut donc dire ? Eh bien tout simplement que la Commission Bouchard-Taylor recommande l’abolition radicale de toute la tradition politique libérale occidentale, et ce, telle qu’on la connaît depuis au moins Locke. Ainsi, dans le monde béni où se serait concrétisée cette merveilleuse recommandation, vous auriez " le droit inaliénable " que l’État vous fournisse un emploi, " le droit " que l’État vous soigne, " le droit " que l’État vous loge, etc. En d’autres termes, vous auriez tout simplement " le droit " au socialisme. En conséquence, le fait même de ne pas être un social-démocrate mur-à-mur serait ainsi en contradiction avec la charte, et donc inconstitutionnel. Conclusion pratique ultime de cette recommandation bouchardo-taylorienne : l’existence même d’un gouvernement non social-démocrate deviendrait légalement impossible.

Pourquoi cette proposition au beau milieu d’un rapport sur les accommodements raisonnables ? Tout simplement parce que nos deux professeurs sont des socialistes finis et des étatistes consommés. Ce à quoi ils aspirent du plus profond de leur âme, c’est d’offrir à une nouvelle race d’intellectuels-chercheurs et d’ingénieurs sociaux patentés un rôle sociétal enfin grandiose, et de donner ainsi sens à la vie d’une caste de crétins instruits. Et en effet, les postes ne manqueront pas quand on pense au management culturel intense et autoritaire que requerra la gestion quotidienne du pluralisme radical, sans oublier ce que demandera en matière grise l’actualisation concrète d’une égalité de fait entre les multiples vagues de l’océan toujours grandissant des groupes ethnoculturels analytiquement discernables.

Financer la fabrication du racisme

S’il est une chose qui suinte de toutes les pages de ce merveilleux rapport, eh bien c’est la supposée nécessité, pour l’État, de financer plus que jamais des milliards de groupes communautaires, de regroupements gémissants, d’associations anti-racistes, de groupes de recherche et autres niaiseries. Et croyez-moi, seuls ceux qui ont pu côtoyer ces atrocités de l’intérieur savent de quoi elles sont constituées : hystériques irrationnels, apôtres de la déconstruction de l’Occident, anti-nationalistes psychopathiques, communistes indous égarés, djihadistes mi-instruits, théoriciens du complot, impuissants verbeux, gosses de riches en révolte holistique, étudiants en études postcoloniales et autres monstruosités.

Plus il y aura de gens payés pour percevoir du racisme et de la discrimination, eh bien plus il y aura de racisme et de discrimination. Plus il y aura de gens subventionnés pour démontrer que des minorités sont opprimées par des majorités, eh bien plus il y aura de minorités opprimées. Les associations de gémisseurs et les théoriciens du Bien inventent activement les maux qu’ils dénoncent pour obtenir le remède qu’ils souhaitent. Et étant des crétins sans nom, ils ne savent probablement même pas que ce qu’ils veulent n’est en dernière instance rien d’autre qu’un grand goulag où une rectitude politique et mentale déferlante imprimera sa tendance jusqu’en la dernière parcelle de nos institutions, de notre vie culturelle et de nos propres consciences.

La dictature de l’harmonie

Léo Strauss, un penseur parmi les plus humbles, avait autrefois affirmé que nos sociétés libérales contenaient malheureusement en elles-mêmes le germe de leur propre destruction. Absorbées progressivement par leur idéal de tolérance, elles finiraient par ne glorifier qu’une seule et unique vertu, soit l’harmonie et la gentillesse généralisée, oubliant ainsi les vertus plus profondes qui seules savent pourtant fonder et rehausser l’âme d’un individu comme d’un peuple. L’amour-propre lui-même en viendrait à être considéré comme un vice, tandis que des élites aveuglées ne verraient plus la vertu que dans l’harmonie, la gentillesse, l’ouverture ainsi que dans l’acceptation non critique de tout et n’importe quoi. Avec la paix et l’harmonie sociale comme seules valeurs, comme seul projet de société, comme seul horizon, l’homme idéal des derniers jours ne pourrait logiquement être rien d’autre qu’un agneau bucolique insignifiant, incapable de porter un jugement moral sur quoi que ce soit, incapable d’affirmer quoi que ce soit, incapable d’être quoi que ce soit. Une pure ouverture à l’Autre. Un pur néant.

Le projet politique contenu dans le rapport Bouchard-Taylor incarne la vision d’un Québec ouvert car insignifiant, d’une société harmonieuse car informe et insipide, d’un citoyen ouvert d’esprit car incapable de juger, et surtout d’un avenir collectif qui en dernière instance ne sera l’avenir de rien ni de personne. Et à la base de la vision politique de Bouchard et Taylor, on ne retrouve rien d’autre qu’une mise à jour du bon vieux projet pastoral de la gauche dure : celui d’une élite éclairée qui, guidée par ses fantasmes et mirages, utilise ce monstre froid qu’est l’État pour se fabriquer activement et mécaniquement une population aussi nouvelle que totalement synthétique. Bouchard, Taylor ainsi que leurs clones sont des artistes, l’appareil d’État est leur pinceau et la population québécoise de demain leur belle œuvre d’art. Que dire de plus ? Probablement que ça n’aura jamais eu lieu, l’histoire étant toujours beaucoup plus impétueuse qu’on ne l’avait prévu, du moins tant qu’il y a des impétueux pour la faire.

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06/11/2008

Le règne de la gloire

collage.jpg Avec Le Règne et la Gloire, l'enquête sur la généalogie du pouvoir entreprise par Giorgio Agamben depuis plusieurs années atteint une articulation décisive.

Deux questions orientent la recherche :

1) Pourquoi, en Occident, le pouvoir a-t-il pris la forme d'une « économie », c'est-à-dire d'un gouvernement des hommes et des choses ?

2) Et, si le pouvoir est avant tout gouvernement, pourquoi a-t-il besoin de la gloire, c'est-à-dire de cet appareil cérémonial et liturgique qui l'accompagne depuis le début ?

En essayant de répondre, dans le sillage de Michel Foucault, à la première question, Giorgio Agamben découvre que, lors des premiers siècles de l'histoire de l'Église, la notion d'oikonomia a joué un rôle décisif dans l'élaboration de la doctrine trinitaire : c'est comme une « économie » de la vie divine que la Trinité a été rendue compatible avec le monothéisme. La fusion de ce paradigme économique avec l'idée de Providence se trouve ainsi, de manière insoupçonnée, à l'origine de bien des catégories fondamentales de la politique moderne, depuis la théorie démocratique de la division des pouvoirs jusqu'à la doctrine stratégique des « effets collatéraux», depuis la « main invisible » du libéralisme de Smith jusqu'aux idées d'ordre et de sécurité. Cependant la nouveauté la plus grande peut-être qui émerge de cette recherche, c'est que le pouvoir moderne n'est pas seulement « gouvernement » mais aussi « gloire » et que les cérémonies, les liturgies et les acclamations que nous sommes habitués à considérer comme un résidu du passé ne cessent de constituer la base du pouvoir occidental.

À travers une analyse passionnante des acclamations liturgiques et des symboles cérémoniaux du pouvoir, du trône à la couronne, de la pourpre aux faisceaux romains, Giorgio Agamben construit une généalogie inédite qui éclaire d'un jour nouveau la fonction du consensus et des médias dans les démocraties modernes.

Giorgio Agamben, philosophe, enseigne à l'université de Venise. Il est l'auteur d'une oeuvre considérable. Le Seuil a publié entre autres livres Homo sacer I. Le pouvoir souverain et la vie nue (1997), et Homo sacer, II, 1. État d'exception (2003) et, enfin, le livre recensé ici, Le Règne et la Gloire (Homo sacer II, 2), éd. Le Seuil, coll. "L'ordre philosophique"

 

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11/10/2008

Résistance à la technologie

antigo2.jpgThéodore Kaczinski dit "unabomber", brillant mathématicien et ancien professeur à l'université de Berkeley U.S.A, passe en ce moment devant le tribunal fédéral de Sacramento, pour quelques uns de ses attentats . Théodore Kaczinski âgé de 55 ans et emprisonné depuis son arrestation le 3 avril 1996, est accusé d'avoir adressé durant 18 ans (entre mai 1978 et avril I995 ) 16 colis piégés à des professeurs d'universités et à des informaticiens en particulier, faisant 3 morts et 23 blessés chez ces personnes qu'il jugeait responsables d'une évolution technologique destructrice pour l'humanité et la nature. Il confectionnait ces colis piégés dans sa cabane du Montana où il vivait depuis 25 ans, en ne manquant pas de les accompagner de notes d'humour...

En septembre 1995, Ted" fit un marché"aux plus importants journaux des États-Unis : la publication de son Manifeste contre la société industrielle contre l'arrêt de ses attentats. Le New-York Times et le Washington Post  prirent la décision d'accepter avec l'aval du F.B.I. dont le premier objectif était l'arrêt des attentats qui semaient la terreur chez les professeurs d'universités, les informaticiens et toutes les personnes liées de près ou de loin à la recherche et au développement technologique. Cela pouvait permettre aussi d'identifier, d'après l'analyse de son contenu, et arrêter celui qui les défiait depuis si longtemps . Ce qui fut fait quelques mois plus tard grâce à la dénonciation de son frère qui connaissait ces expressions et ces idées . Depuis son premier attentat, Ted, surnommé "unabomber" est dépeint par tous les brillants experts psychiatres que compte les Etats-Unis sous les traits d'un "fou haineux" d'un " génie du mal"ou d'un" malade atteint de schizophrénie paranoïde". L'ensemble des média français, ont repris en coeur les attaques américaines sans véritablement analyser les idées de Ted, contenues dans son manifeste. Les Américains souvent cités en exemple dans nos média, pour leurs idées, leur mode de vie, même si cela est parfois avec de l'ironie sous-jacente, ne sont pas tous si abrutis qu'ils nous apparaissent comme démontrent le fait, que Ted ait été consacré en 1996 par le magazine People comme l'homme le plus fascinant de l'année. De nombreux sites et groupes de discussions lui sont consacrés outre-Atlantique sur l'Internet  .

S 'il ne nous appartient pas de juger les actes dont Ted est accusé (d'autres se sont chargés depuis son arrestation, avant même qu'il ne le soit officiellement !!), nous pouvons déplorer qu'un homme d'aussi grande valeur se soit livré à des actes aussi inutiles que suicidaires (pour lui) au lieu de mettre son savoir au service d'un combat légal contre les technologies, en dénonçant par exemple les effets néfastes dans des conférences et dans les milieux scientifiques internationaux.

 

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13/09/2008

Dans l'antre de la Sibylle

AntredeSibylle.jpg

Le dernier âge viendra, que la Sybille chantait :
Cycle nouveau-né des ans écoulés, cycle parfait.
La Justice reviendra sur la terre avec la Loi
Et le dieu Saturne. Du ciel sacré vois sans effroi
Une race nouvelle. Ô Lucine, ô très chaste esprit,
Hâte la naissance de l’Enfant avec qui finit
Notre âge de fer. L’âge d’or, primitif et si bon,
Du monde reviendra, car le doux règne d’Apollon
Recommencera pour nous, cet âge toujours glorieux
S’inaugure, ô Polion, avec toi, ô dieu gracieux ;
De ton consulat dateront les mois heureux, prospères ;
Sous tes auspices, l’Enfant effacera pour ses frères
Tous les crimes, affranchissant le monde de la peur ;
Avec les dieux et les héros, comme les dieux du coeur,
Il aura un commerce familier, et régnera
Sur le monde, et l’esprit de son Père gouvernera.
Pour toi, cher Enfant, la terre donnera sans culture
Ses dons précoces : la guirlande de lierre si pure,
L’acanthe riant, et toutes les fleurs qui croissent en reines ;
Des chèvres libres nous sucerons les mamelles pleines,
Les troupeaux ne craindront plus l’attaque du lion fier,
La terre te bercera, et délicieux sera l’air,
Les serpents venimeux mourront, et l’herbe dangereuse
Se fanera sur ton chemin, sous ta main si gracieuse.
Quand plus tard, avec l’âge, l’Enfant divin connaîtra
Les grandes gloires par lesquelles sa race brilla,
Quand il saura ce que l’honneur veut dire, alors les plaines
Resplendiront de la récolte des fruits et des graines,
Le vin brillant coulera de la grappe ensoleillée,
Le chêne donnera un miel plus doux que la rosée. 

(Virgile, Enéide , VI, l'antre de la Sibylle)

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