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04/01/2011

L’Homme de Florès n’était-il qu’un crétin nain ?

Les petits hommes de Florès (Homo floresiensis) n’étaient peut-être que des êtres humains ordinaires, mais atteints d’une forme endémique de crétinisme provoquée notamment par une grave carence en iode. C'est la curieuse thèse de deux chercheurs australiens, qui relancent une controverse déjà vive.

Ces petits êtres d’à peine un mètre de haut dont les squelettes, vieux de 18.000 ans, ont été découverts sur l’île de Florès à l’est de Java, n’ont cessé depuis 2004 d’alimenter la controverse au sujet de leur nature. Alors que certains y voient des hommes mal développés, d’autres pensent qu'il s'agit d'une autre espèce, qui pourrait être la manifestation d’un phénomène évolutif connu chez les animaux et appelé nanisme insulaire. Dans un environnement limité en dimensions et en ressources, comme l'est une île, la taille des espèces animales a tendance à se réduire au fil des générations. La balance penche actuellement pour la seconde hypothèse.

Mais deux chercheurs australiens reviennent à la charge. Peter Obendorf et Ben Kefford, de la School of Applied Sciences, en collaboration avec le professeur émérite Charles Oxnard de l’University of Western Australia, exposent une nouvelle explication dans la dernière livraison des Proceedings of the Royal Society Biological Sciences.

Selon leur théorie, que l'on devine ne pas être la dernière sur ce sujet, ces fossiles portent les marques caractéristiques d’une insuffisance thyroïdienne rare dans nos régions occidentales, mais toujours fréquemment observée dans les pays du tiers-monde, et provoquée par un déficit sévère en iode de la mère durant la période de grossesse.

L'environnement fait le crétin

Chez l’enfant, comme chez l’adulte, l'iode est absorbé dans l'intestin sous forme d'iodure, l’excès étant évacué dans l'urine. La quantité idéale est de 60 µg d'iode par jour pour une thyroïde adulte, dont le seul rôle est de constituer un élément indispensable à la synthèse des hormones thyroïdiennes qui interviennent dans le métabolisme cellulaire, dans la croissance et la maturation du cerveau. Si cet apport d'iode est insuffisant, la thyroïde se met à travailler plus pour tenter d'en capter davantage, et augmente considérablement de volume, formant ce que l’on appelle un goitre, tandis que son contenu en iode diminue.

Cette insuffisance thyroïdienne commencée pendant la vie fœtale ou à la naissance entraîne une hypotrophie des neurones corticaux, entraînant un retard mental, que l'on appelle le crétinisme. Au final, l’individu atteint ne dépasse jamais un mètre de haut et devient, selon le terme scientifique consacré, un crétin nain.

« Les formes extrêmes de crétinisme peuvent aussi résulter de l’association d’une carence en iode durant la grossesse avec un certain nombre d’autres facteurs environnementaux, dont l’absorption de nourritures qui rompent l’équilibre dynamique entre le cyanure et le thiocyanate », affirme en substance l’équipe de recherches. L’acide cyanhydrique, contenu dans certains végétaux (amandes amères, noyaux de pêche et de nèfles, feuilles de cerisier et de laurier-cerise, sorgho) est détoxiqué dans l'organisme par la conversion en thiocyanate, un composé soufré ayant des propriétés goitrigènes. Chez l'homme en bonne santé, cet équilibre cyanure/thiocyanate est maintenu. Mais un régime pauvre en protéines, particulièrement quand les acides aminés soufrés font défaut, peut réduire cette capacité de détoxication. Ce déficit peut se produire par exemple en cas de consommation excessive de manioc.

Des preuves anatomiques ?

Les chercheurs appuient leur hypothèse par la découverte, dans les fossiles, de plusieurs traces anatomiques de ce syndrome telles qu’un creux dans le crâne au sommet de l’hypophyse, appelé fossette pituitaire, une des caractéristiques déterminantes du crétinisme endémique myxœdémateux, ainsi que le dédoublement des racines prémolaires inférieures, qui dénonce la même pathologie. Notons toutefois que l'équipe australienne n'a pas examiné directement les fossiles de l'Homme de Florès. Cette hypothèse est actuellement loin de faire l'unanimité dans le monde scientifique et a même reçu des critiques très vives.

Sûrs de leur idée, Peter Obendorf et ses collègues estiment que l’Homme de Florès ne constitue nullement une espèce nouvelle d’hominidés, mais plutôt un groupe de chasseurs-cueilleurs dont, pour une raison encore indéterminée, la nourriture n’était pas suffisamment riche en iode. « Alors que presque tous ceux qui ont étudié les fossiles l'ont fait sous un angle de l'évolution, nous pensons qu'il s'agit d'un problème d'ordre environnemental », conclut Charles Oxnard .

D’autre part, de nombreuses légendes locales parlent d’espèces de lutins, les Ebu Gogos, qui vivaient cachés dans des cavernes, savaient à peine s’exprimer et terrorisaient la population en venant chaparder de la nourriture et des fruits dans les jardins. Pour les deux chercheurs australiens, la description de ces petits êtres correspond de façon troublante à une horde d’individus atteints de crétinisme endémique myxœdémateux... Reste encore à convaincre la communauté scientifique avec des preuves un plus solides.

Référence

A-t-on découvert une nouvelle espèce humaine ?

l y a environ 30.000 ans, aux côtés de l'homme moderne et de l'homme de Néandertal, vivait peut-être, entre Sibérie et Mongolie, une autre espèce humaine, fabriquant elle aussi des outils et des objets artistiques. C'est que ce suggère l'analyse génétique d'un os de doigt. Après la découverte de l'homme de Florès, l'histoire récente des hominidés se complique.

Le petit doigt a parlé... Ce modeste ossement a été découvert en 2008 par une équipe russe dans la région montagneuse de l'Altaï, au sud de la Sibérie, aux frontières de la Mongolie. Les paléontologues poursuivaient l'étude de la grotte Desinova, connue depuis longtemps et qui a livré des restes d'une longue occupation humaine. Jusque-là, seuls des outils avaient été trouvés et correspondaient à l'industrie dite du Moustérien, attribuée à l'homme de Néandertal.

Un fragment de phalange de petit doigt a alors été trouvé au même niveau que différents objets datés entre -48.000 et -30.000 ans, dont des pierres taillées et un bracelet de pierres vertes. Cet os était bien trop petit pour permettre une identification. Il semble avoir appartenu à un enfant, mais impossible de savoir s'il s'agissait d'un Homo sapiens (nous) ou d'un Homo neanderthalensis. Sauf si la minuscule quantité d'ADN enfermée dans l'os pouvait parler...

Or, en Allemagne, à l'Institut Max Planck de Leipzig, l'équipe de Svante Pääbo (département d'anthropologie évolutionnaire ) s'est lancée depuis plusieurs années, et avec de grands succès, dans le projet Génome de Néandertal, qui vise à séquencer l'ADN de nos cousins disparus. Le fragment de phalange leur a été confié pour en extraire une éventuelle information génétique si jamais il s'en trouvait.

Peut-être un cousin plus éloigné que Néandertal

La bonne surprise était au rendez-vous. D'après les résultats, qui viennent d'être publiés dans la revue Nature, le propriétaire de cette phalange n'était ni un homme moderne ni un Néandertalien ! L'équipe allemande, dirigée par Johannes Krause, a analysé l'ADN des mitochondries (ADN mt, abondant et qui se conserve bien) pour le comparer à ceux de 54 hommes actuels, à ceux d'un Homo sapiens vieux de 30.000 ans et enfin à ceux de 6 Néandertaliens.

Entre l'ADN mt d'un homme de Néandertal et celui d'un homme moderne, on observe en moyenne 202 sites différents. L'ADN mt de l'enfant de Desinova, lui, diffère de ceux des hommes actuels sur, en moyenne, 385 sites !

Pour les auteurs, une telle différence plaide pour l'appartenance à une nouvelle espèce. Ils vont même plus loin et estiment que ce nouvel hominidé a dû se séparer de la lignée qui a conduit jusqu'à nous et à l'homme de Néandertal il y a trois millions d'années. Si l'hypothèse est juste, cet humain a dû quitter l'Afrique après l'Homo erectus (parti il y a 1,9 million d'années) et avant les ancêtres de Néandertal (Homo heidelbergensis, entre -500.000 et -300.000 ans).

Cette analyse génétique est cependant trop fragmentaire pour des conclusions définitives et il faudrait découvrir de l'ADN du noyau pour préciser la position de cet homme de Sibérie dans la famille humaine.

Si l'hypothèse se confirme, la découverte porte à quatre le nombre d'espèces humaines qui cohabitaient sur Terre il y a 30 ou 40.000 ans. L'homme de Néandertal, en effet, a depuis longtemps quitté son statut d'ancêtre de l'homme moderne pour devenir un cousin avec lequel nous avons cohabité durant des milliers d'années. Depuis 2003, on connaît l'homme de Florès, Homo floresiensis, qui semble bien appartenir à une espèce différente, de très petite taille. Mais lui restait semble-t-il cantonné à l'Indonésie et se trouvait sans doute isolé.

Dans les montagnes de l'Altaï, l'homme de Sibérie, en revanche, a pu croiser l'homme de Cro-Magnon, c'est-à-dire Homo sapiens, et des Néandertaliens. De ces trois humains, une seule espèce a – pour l'instant – survécu.

Référence

Le génome de Neandertal en passe d'être séquencé

Deux équipes, travaillant parallèlement, ont déchiffré une partie du génome de l'Homme de Neandertal et espèrent terminer le travail dans deux ans. Premiers résultats : eux et nous avons divergé il y a longtemps, au moins 450 000 ans.

L'une a séquencé 65 250 de paires de bases et l'autre un million. C'est un tour de force qu'ont réussi deux équipes en parvenant à décrypter une partie de l'ADN récupéré dans des ossements fossiles de néandertaliens. Jusqu'ici, les paléontologistes n'étaient parvenus à étudier que l'ADN contenu dans les mitochondries. Ces organites cellulaires possèdent un petit génome de 16 000 paires de bases (les « lettres » du code génétique), complètement différent de celui de l'organisme. Ces mitochondries ne se transmettant que par la mère, les analyses de cet ADN permettaient donc de retracer des lignées. Elles ont démontré que Homme de Neandertal est notre cousin, et pas notre ancêtre, mais ne permettent pas de remonter à ses caractéristiques génétiques.

Svante Pääbo dirige le département d'anthropologie évolutionnaire à l'Institut Max Planck (Leipzig). Avec une équipe croate et l'aide d'une société américaine spécialisée dans le séquençage, 454 Life Sciences, il s'est lancé dans l'étude de l'ADN prélevé sur des restes fossiles vieux de 38 000 ans. Tous les fragments d'ADN récoltés ont été amplifiés (c'est-à-dire recopiés en de nombreux exemplaires) puis analysés par la technique du pyroséquençage, la méthode la plus rapide de toutes, capable de lire en même temps des milliers de bases. C'est un million de paires de bases que l'équipe a pu déterminer, réussissant une vraie prouesse technique. Mais c'est encore peu par rapport aux 3,2 milliards présentes chez l'être humain, une valeur sans doute peu différente chez notre cousin néandertalien.

Edward Rubin, responsable du Joint Genome Institute, en Californie, avait, deux ans auparavant, contacté Svante Pääbo pour tenter lui aussi de récupérer de l'ADN non mitochondrial dans ces mêmes restes fossiles. Son équipe a procédé un peu différemment en utilisant des bactéries vivantes pour multiplier les gènes à étudier.

Mais, sur des restes fossilisés, il ne suffit pas de déterminer la succession des bases de tous les fragments d'ADN trouvés. Il faut surtout les distinguer de l'ADN laissé sur place par les innombrables microbes qui sont un jour passés par là. Plutôt que de trier les échantillons, les chercheurs ont tout analysé, aveuglément, puis fait le tri à l'aide d'un logiciel informatique, qui ne retenait que les séquences suffisamment proches de celles des êtres humains.

Quatre cent mille ans nous séparent

D'importantes conclusions ont pu être tirées de ces deux travaux, qui viennent d'être publiés simultanément dans Nature et dans Science. Comme on s'y attendait, le génome de l'Homme de Neandertal ne diffèrerait du nôtre que de moins de 0,5 %, un écart à peu près deux fois plus faible de celui qui nous sépare des chimpanzés. Mais il va dans le même sens que plusieurs études récentes : Homo sapiens et Homo neandertalensis (ou neanderthalensis) sont bel et bien génétiquement différents. Sur la question du métissage, la réponse la plus communément admise désormais est qu'il y a peu de chance qu'il ait eu lieu et que, s'il a existé, il est resté insignifiant dans l'histoire de ces deux lignées d'humains.

Sur le moment où les deux espèces ont divergé, les deux équipes ne trouvent pas la même réponse mais sont d'accord pour la repousser loin dans le passé. D'après l'équipe de Leipzig, ce moment devrait se situer entre 465 000 et 569 000 ans. Rubin et ses collaborateurs, eux, annoncent 700 000 ans pour le dernier ancêtre commun entre) mais pensent que les deux lignées ont génétiquement divergé à partir de 370 000 ans.

Ces résultats méritent d'être approfondis et, surtout, il faudra poursuivre le séquençage, qui ne concerne pour l'instant que 0,03 % du génome du toujours énigmatique Homme de Neandertal. Svante Pääbo espère bien, après le succès de ces deux travaux, trouver des subsides pour terminer le séquençage de nos cousins dans deux ans.

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